Le Conseil d’État vient de juger que la société absorbante peut dans certaines situations déduire un mali calculé d’après la perte réelle constatée sur les titres de la société absorbée, alors même qu’ils avaient été dépréciés dans les comptes avant l’opération.
Comptablement, le mali de fusion est calculé d’après la valeur nette comptable (VNC) des titres de l’absorbée
Pour déterminer le mali de fusion, la valeur comptable des titres de l’entité absorbée détenus par l’entité absorbante qu’il convient de retenir s’entend de leur valeur nette comptable (Recueil des normes comptables de l’ANC, commentaire IR 3 sous l’art. 745-3 du PCG), c’est-à-dire après prise en compte des dépréciations comptabilisées avant l’opération.
Il en résulte que la dépréciation qui a été comptabilisée sur les titres est figée et ne fait pas l’objet d’une reprise lors de la comptabilisation de l’opération de fusion.
Exemple
Une société A détient 100 % du capital d’une société B (qui n’est pas une société à prépondérance immobilière) pour un prix de 100 000 €. Les titres ont la nature de titres de participation. Ils ont été acquis au cours de l’exercice n-1.
À la clôture de l’exercice n, A comptabilise une dépréciation des titres de 40 000 €.
En n + 1, A absorbe B dans le cadre d’une fusion réalisée sur la base des valeurs comptables (voir MFusions 7600 et 7605).
Valeur brute des titres B chez A … 100 000 €
Dépréciation comptabilisée au 31/12/n … (40 000) €
Valeur nette comptable des titres B chez A … 60 000 €
Actif net de la société B (valeur comptable) … 60 000 €
Actif net de la société B (valeur réelle) … 60 000 €
Le mali de fusion calculé sur la base de la VNC est nul [60 000 € (VNC des titres B chez A) – 60 000 € (actif net comptable de B)].
Dans l’hypothèse où la dépréciation des titres a été correctement évaluée, la fusion n’entraîne donc aucune charge au titre du mali. Celle-ci a déjà été comptabilisée par voie de dépréciation des titres.
Cette solution a en pratique le même impact (nul) sur le résultat que si le mali avait été calculé d’après la valeur brute des titres. En effet, le calcul du mali d’après la valeur brute des titres serait également sans incidence sur le résultat de l’exercice de réalisation de l’opération puisqu’il nécessiterait la reprise de la dépréciation venant en compensation de la déduction du vrai mali.
Exemple
(Suite)
Le mali, s’il était calculé sur la base de la valeur brute, serait égal à 40 000 € [100 000 € (VB des titres B chez A) – 60 000 € (actif net comptable de B)]. Ce « vrai » mali (en l’absence de plus-value latente chez B) serait à comptabiliser immédiatement en résultat. La dépréciation de 40 000 € serait alors reprise en produits, annulant l’impact du mali en résultat.
Fiscalement, un calcul d’après la VNC interdirait la déduction de la perte constatée sur les titres…
L’application du traitement comptable consistant à calculer le mali sur la VNC et à ne pas reprendre la (provision pour) dépréciation des titres conduit toutefois à des conséquences pénalisantes lorsque les titres de la société absorbée sont des titres de participation (autres que des titres de société à prépondérance immobilière) détenus depuis moins de deux ans.
En effet :
la (provision pour) dépréciation des titres constituée avant la fusion relevant du régime des moins-values à long terme sur titres de participation, elle n’est pas déductible (voir MC 35930) ;
aucun « vrai » mali (correspondant à la moins-value d’annulation des titres) n’est comptabilisé lors de la fusion alors qu’il aurait été déductible du résultat imposable au taux de droit commun, s’agissant de titres détenus depuis moins de deux ans.
… mais le Conseil d’État accepte que la perte fiscalement déductible soit déduite extra-comptablement à hauteur de la dépréciation comptabilisée
Le Conseil d’État s’est récemment prononcé sur une affaire dans laquelle une société avait constaté une (provision pour) dépréciation des titres d’une filiale détenue à 100 %, non déduite sur le plan fiscal, puis décidé d’absorber la filiale (par voie de TUP).
Sur l’exercice de confusion du patrimoine, la société confondante a annulé les titres et la dépréciation, et substitué à cette valeur l’actif net reçu de la filiale. Aucun « vrai » mali n’a été comptabilisé, la dépréciation ayant été précédemment bien évaluée et correspondant à la perte constatée sur les titres.
En revanche, fiscalement, la société avait pratiqué une déduction extra-comptable sur l’exercice de confusion de patrimoine de la filiale égale au montant de ladite provision afin de déduire fiscalement la perte subie, celle-ci n’ayant pas été déduite lors de la dépréciation des titres.
L’administration entendait remettre en cause cette déduction extra-comptable pratiquée au titre du mali. Elle prétendait que la déduction de la perte réelle sur les titres ne pouvait être que le corollaire de l’imposition de la reprise de provision.
A noter
Pour s’opposer à cette position, la société invoquait notamment la doctrine administrative suivant laquelle le vrai mali étant calculé d’après la valeur nette comptable des titres, il convient de procéder à un « retraitement extracomptable lié à la différence de traitement fiscal entre la provision pour dépréciation et la moins-value sur les titres » (BOI-IS-FUS-10-50-20 no 50). Le rapporteur public L. Cytermann estime toutefois cet argument insuffisant pour donner gain de cause à la requérante. À notre avis, la société ne pouvait en effet se prévaloir de ce BOI, dès lors notamment qu’en raison des faits d’espèce particuliers à cette affaire, la règle d’intangibilité du bilan d’ouverture avait fait obstacle à la prise en compte, sur le plan fiscal, de la reprise de provision afférente aux titres de la filiale absorbée (considérant no 24). Le rapporteur public semble estimer que l’administration établit à tort dans ce BOI une corrélation entre le régime fiscal propre à la reprise de provision d’une part et à la perte subie (« vrai » mali) d’autre part, et il invite en conséquence la Haute Assemblée à se prononcer sur le fond.
Le Conseil d’État juge que même si aucune reprise de provision n’était prise en compte pour la détermination du résultat imposable de l’exercice de réalisation de l’opération, la société était fondée à déduire, au titre du mali de confusion, une moins-value représentative de la perte réelle subie du fait de l’annulation des titres. Il confirme donc la nécessité de procéder à un retraitement extra-comptable, et ce indépendamment de la préconisation de la doctrine administrative.
Au titre des exercices vérifiés, la perte constatée pouvait donner lieu à une déduction fiscale effective dans le secteur du court terme ou du long terme suivant la durée de détention des titres. Actuellement, compte tenu du régime d’exonération applicable aux titres de participation détenus depuis au moins deux ans, elle ne pourrait donner lieu à une déduction, imputable sur le résultat imposable au taux de droit commun, que si les titres sont détenus depuis moins de deux ans.
Cette solution du Conseil d’Etat s’applique, à notre avis, à la fois aux opérations placées sous le régime fiscal de faveur prévu à l’article 210 A du CGI et à celles relevant du régime de droit commun.
Exemple
(Suite)
Fiscalement, la (provision pour) dépréciation de 40 000 € constatée à la clôture de l’exercice n a fait l’objet d’une réintégration extra-comptable (s’agissant de titres de participation, elle n’est pas déductible et sa reprise n’est pas imposable).
À la suite de la confusion de patrimoine, la dépréciation n’est pas reprise comptablement. Aucun vrai mali n’est comptabilisé. L’annulation est également sans conséquence fiscale, s’agissant de titres de participation.
La société confondante peut néanmoins déduire extra-comptablement la perte calculée d’après la valeur brute des titres de la société confondue : les titres ayant été détenus pendant moins de deux ans, cette perte de 40 000 € est déductible du résultat imposable au taux de droit commun.
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