La conclusion d’un bail entre une SCI et ses deux associés constitue un abus de droit dès lors que ce bail n’a d’autre but que de permettre la déduction des charges afférentes à l’immeuble loué, qui n’est pas permise lorsque le propriétaire se réserve la jouissance du bien.
Des époux créent en octobre 2013 une société civile immobilière (SCI) ayant pour activité la location de terrains et autres biens immobiliers. En décembre, elle acquiert un immeuble qu’elle finance au moyen d’un emprunt bancaire. Un bail d’habitation est conclu le jour de l’acquisition au profit des époux associés. Les résultats de la SCI sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers au nom des associés. Entre 2014 et 2017, la SCI est constamment déficitaire en raison du niveau des intérêts d’emprunt et du montant des travaux de rénovation, qui dépassent les recettes tirées des loyers. L’administration remet en cause les déficits fonciers déclarés par les associés pour 2016 et 2017 au motif que le bail conclu entre la SCI et ses associés ne vise qu’à faire échec aux dispositions de l’article 15, II du CGI, selon lesquelles les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas imposables et les charges y afférentes ne sont pas déductibles.
Le Comité de l’abus de droit fiscal partage l’avis de l’administration. Il relève que les locataires, qui détiennent la totalité du capital de la SCI, ont signé le jour même de l’acquisition un bail à usage exclusif d’habitation. L’argument selon lequel le bien aurait été acquis dans le but de relocaliser l’activité professionnelle de l’époux doit être écarté. En outre, le montant du loyer a été fixé par la SCI à un niveau rendant son résultat structurellement déficitaire, eu égard au montant des travaux engagés. Ce loyer a été révisé à la baisse en 2015, aggravant ainsi le déficit. Le Comité estime que la SCI ne s’est pas comportée avec ses locataires comme avec des tiers et que les associés ont disposé du bien comme s’ils en étaient les propriétaires occupants.
La conclusion du bail n’avait ainsi d’autre but que celui d’éluder l’impôt, en permettant aux associés de déduire de leur revenu imposable la quote-part de déficits fonciers leur revenant. L’administration est donc en droit de mettre en œuvre la procédure d’abus de droit et d’appliquer la majoration de 80 % prévue à l’article 1729, b du CGI.
à noter : Dans un tel contexte, l’abus de droit peut être caractérisé sur le plan de la fraude à la loi, comme dans l’espèce ici commentée, ou sur le plan de la fictivité. Le Comité a ainsi déclaré fictifs les baux conclus par une SCI au profit de l’associé majoritaire ou de membres de son entourage proche dès lors que les charges déduites excédaient largement les loyers, fixés à un niveau anormalement bas, dont la charge effective était en outre assumée par l’associé majoritaire (Avis CADF/AC no 9/2016 aff. nos 2016-35 à 2016-42).
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