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Photo du rédacteurDavid Sanglier

L’ordonnance de réforme du droit des entreprises en difficulté

Renforcer la prévention ; faciliter l’accès aux procédures rapides ; mettre en place le cadre de restructuration imposé par le droit européen tout en préservant les droits des créanciers ; mieux protéger les garants : tels sont les principaux objectifs de la réforme.

En 2019, la loi Pacte a habilité le Gouvernement à aménager, par voie d’ordonnance, le droit des entreprises en difficulté afin, d’une part, de simplifier, clarifier et moderniser le régime des sûretés en cas de procédure collective du débiteur et, d’autre part, de transposer en droit interne la directive 2019/1023 du 20 juin 2019 relative à la restructuration préventive et à l’insolvabilité des entreprises (Loi 2019-486 du 22-5-2019 art. 60 et 196). La durée de cette habilitation, initialement prévue jusqu’au 23 mai 2021, a été prolongée de 4 mois en raison de la crise sanitaire résultant de l’épidémie de Covid-19 (Loi 2020-290 du 23-3-2020 art. 14).


L’ordonnance et son décret d’application ont été publiés. Nous présentons les principales modifications qu’ils apportent au droit des entreprises en difficulté.


Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er octobre 2021. Les procédures en cours à cette date n’y sont pas soumises (Ord. 2021-1193 art. 73, I ; Décret 2021-1218 art. 51).

I. Articulation entre la réforme et les mesures temporaires liées au Covid-19


En raison de la crise sanitaire, le Gouvernement a adapté temporairement, en mai dernier, certaines règles relatives aux procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises (Ord. 2020-596 du 20-5-2020). L’application de la plupart de ces mesures a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2021 (Loi 2020-1525 du 7-12-2020 art. 124). Sur ces dispositifs, voir Mémento Sociétés civiles n° 28049.


L’ordonnance 2021-1218 du 15 septembre 2021 fixe l’articulation entre ces mesures et les nouvelles dispositions : il est mis fin depuis le 1er octobre 2021, pour les procédures non ouvertes à cette date, à l’application des articles 3, 5, IV et 6 de l’ordonnance 2020-596 précitée (Ord. 2021-1193 art. 73, IV). Si la procédure était en cours au 1er octobre, les mesures temporaires s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2021. 


Sont concernées les mesures suivantes :

  • - faculté pour le tribunal de prononcer le redressement ou la liquidation judiciaire lorsque le plan n’a pas été arrêté dans le délai requis dans le cadre d’une sauvegarde accélérée ;

  • - privilège pour les nouveaux apports de trésorerie effectués durant la période d’observation ou pour l’exécution du plan, étant précisé que la mesure est pérennisée par la réforme ( nos 27 s.) ;

  • - élargissement de la liquidation judiciaire simplifiée aux entreprises sans patrimoine immobilier, ayant au plus 5 salariés et un actif d’une valeur maximale de 15 000 €, mais là aussi la réforme maintient le dispositif ( nos 51 s.).

Toutefois, cette simplification ne vise pas toutes les mesures temporaires qui ont été prolongées : la réforme ne règle pas le sort des mesures prévues aux articles 1, 2, 4, 5 (hors IV) et 7 de l’ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020 ni celles figurant aux articles 1 à 3 de l’ordonnance 2020-1443 du 25 novembre 2020 (également applicables jusqu’au 31-12-2021).

À notre avis, l’absence de dispositions transitoires pour ces mesures n’est pas involontaire et tend à permettre l’application de ces mesures non seulement aux procédures en cours au 1er octobre 2021, mais aussi à celles ouvertes entre cette date et le 31 décembre 2021, nonobstant l’entrée en vigueur de la réforme.


Sont notamment concernées les mesures suivantes non reprises par l’ordonnance 2021-1218 du 15 septembre 2021 :

  • - la possibilité de prolonger la durée de la conciliation jusqu’à 10 mois ;

  • - la possibilité, dans le cadre d’une conciliation, pour le président du tribunal de suspendre, à la demande du débiteur, les poursuites individuelles engagées par un créancier qui a refusé de suspendre l’exigibilité de sa créance durant la procédure ;

  • - les aménagements apportés à la préparation du plan pour accélérer son élaboration ;

  • - la possibilité de prolonger la durée du plan de 2 ans.

Cette articulation devient naturelle pour les mesures temporaires qui ont été pérennisées par la réforme ; tel est par exemple le cas des aménagements relatifs à l’alerte du commissaire aux comptes ( nos 7 s.) ou à la possibilité pour le débiteur en conciliation de demander des délais de paiement avant toute mise en demeure ou poursuite ( nos 10 s.).

II. Principales nouveautés concernant les mesures préventives


Pouvoir d’enquête du président du tribunal


Lorsqu’il apparaît qu’une entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation (C. com. art. L 611-2, I-al. 1 et L 611-2-1).


Pour l’éclairer sur la situation de l’entreprise, le président du tribunal peut solliciter des renseignements auprès de certaines personnes et institutions (commissaires aux comptes et membres du comité social et économique notamment).


Il ne pouvait jusqu’alors le faire qu’après l’entretien du dirigeant ou si le dirigeant ne s’était pas rendu à sa convocation. Désormais, il peut interroger ces personnes dès l’envoi de la convocation au dirigeant (art. L 611-2, I-al. 2 modifié par ord. 2021-1193) et dans les trois mois qui suivent l’envoi de la convocation (C. com. art. R 611-12, al. 1 modifié par décret 2021-1218).


Alerte par le commissaire aux comptes


La nouvelle ordonnance entérine les ajustements à la procédure d’alerte du commissaire aux comptes prévus par l’ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020 pour faire face à la crise sanitaire et permettant une information plus complète et plus précoce du président du tribunal sur les difficultés de l’entreprise.


Le commissaire aux comptes peut, lorsque l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates et que le dirigeant s’y refuse ou envisage des mesures insuffisantes, informer le président du tribunal dès la première information faite au dirigeant en application de l’article L 612-3 du Code de commerce (procédure d’alerte pour les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique) du Code de commerce (C. com. art. L 611-2-2 nouveau, al. 1).


Le commissaire aux comptes peut donc informer le président du tribunal sans avoir besoin d’attendre l’expiration du délai de réponse de quinze jours prévu par ces articles.


S’il décide de ne pas attendre la réponse du dirigeant, le commissaire aux comptes informe par tout moyen et sans délai le président du tribunal de ses constats et démarches, et lui expose les raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises (art. L 611-2-2 nouveau, al. 2). Il peut lui transmettre tout renseignement complémentaire de nature à lui donner une exacte information sur la situation de l’entreprise (al. 3) et demander à être entendu par lui avec les dirigeants (al. 4).


Conciliation


Délais de paiement demandés par le débiteur pendant la conciliation


Une entreprise qui fait l’objet d’une procédure de conciliation peut demander au juge qui a ouvert la procédure de lui octroyer des délais de paiement, d’une durée maximale de deux ans, sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil (C. com. art. L 611-7, al. 5). L’ordonnance 2021-1193 étend cette faculté et pérennise ainsi une mesure instaurée par l’ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020. 


L’entreprise peut toujours, comme c’était déjà le cas, demander des délais de grâce si elle est mise en demeure ou poursuivie par un créancier durant les négociations.


Désormais, elle peut également solliciter des délais, avant toute mise en demeure ou poursuite, à l’égard d’un créancier qui n’a pas accepté, dans le temps imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l’exigibilité de la créance (C. com. art. L 611-7, al. 5 modifié). Dans ce cas, le juge peut reporter ou échelonner le règlement des créances non échues dans la limite de la durée de la mission du conciliateur (même art.).


L’entreprise a donc deux possibilités : soit elle attend que le créancier lui réclame le paiement et elle peut, dans ce cas, solliciter un délai de grâce pouvant aller jusqu’à deux ans ; soit elle prend les devants et demande un échelonnement de sa dette à l’égard d’un créancier ayant refusé les propositions du conciliateur, pour une durée qui est alors plus limitée (au plus 5 mois).


Possibilité pour les coobligés et garants de se prévaloir des délais accordés au débiteur


Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des délais de paiement accordés au débiteur pendant la phase de conciliation, en application de l’article L 611-7, al. 5 (C. com. art. L 611-10-2, al. 1).


Dorénavant, elles peuvent aussi se prévaloir des délais de paiement que le débiteur aurait obtenu au cours de l’exécution de l’accord de conciliation à l’égard d’un créancier l’ayant mis en demeure ou poursuivi et dont la créance n’a pas fait l’objet de l’accord (art. L 611-10-2, al. 1 modifié et, sur renvoi, art. L 611-10-1, al. 2).


La possibilité pour le débiteur de demander des délais de paiement en cours d’exécution de l’accord ne peut pas jouer à l’égard de certains créanciers, notamment les administrations financières ou les organismes de sécurité sociale (art. L 611-10-1, al. 2 et, sur renvoi, art. L 611-7, al. 3).


Effets de la caducité ou de la résolution de l’accord amiable


L’ordonnance 2021-1193 introduit un nouvel article L 611-10-4 dans le Code de commerce, prévoyant que la caducité ou la résolution de l’accord amiable ne prive pas d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences.


Communication de l’accord de conciliation au tiers opposant


L’accord de conciliation homologué ne peut en principe être communiqué qu’aux parties et aux personnes qui peuvent s’en prévaloir et, si l’entreprise débitrice est soumise au contrôle légal des comptes, à son commissaire aux comptes (C. com. art. R 611-44). Le décret 2021-1218 complète cette disposition en précisant que l’accord peut être communiqué au tiers opposant, mais seulement une fois que la tierce opposition a été déclarée recevable. Est ainsi préservée la confidentialité de la conciliation.


État des frais exposés par le débiteur pendant la conciliation


Le décret 2021-1218 du 23 septembre 2021 met à la charge du débiteur l’obligation de dresser, avec l’assistance du conciliateur, un état de l’intégralité des frais mis à sa charge dans le cadre de la procédure de conciliation (C. com. art. R 611-39-1 nouveau).


L’état doit mentionner les rémunérations des différents intervenants à la procédure (conciliateur, expert, mandataire ad hoc si un mandat ad hoc a immédiatement précédé l’ouverture de la conciliation) et les honoraires des conseils du débiteur ainsi que ceux des conseils du créancier lorsqu’ils sont mis à la charge du débiteur (art. R 611-39-1, al. 2 à 5). Il est signé et déposé au greffe par le débiteur (al. 6).


Seuls peuvent en prendre connaissance le conciliateur, le président du tribunal, le tribunal et le ministère public. Le tribunal qui ouvre une procédure de sauvegarde, de rétablissement professionnel, de redressement ou de liquidation judiciaire peut aussi en obtenir communication (art. R 611-39-1, dernier al.).

III. Adaptation de la procédure de sauvegarde


Fusion de la sauvegarde accélérée et de la sauvegarde financière accélérée


Jusqu’à la réforme, il existait, à côté de la sauvegarde « classique », deux variantes : la sauvegarde accélérée et la sauvegarde financière accélérée. Ces deux dernières étaient réservées aux entreprises déjà engagées dans une conciliation et d’une certaine taille (entreprise établissant des comptes consolidés ou des comptes certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et atteignant l’un des seuils suivants : 20 salariés ou 3 millions d’euros de CA HT ou 1,5 million d’euros de total de bilan pour le dernier exercice clos). La variante financière s’adressait aux entreprises essentiellement endettées auprès des établissements de crédit et assimilés, voire d’obligataires, et n’avait d’effets qu’à l’égard de ces créanciers.


La réforme fusionne ces deux variantes de la sauvegarde sous le seul vocable de sauvegarde accélérée, tout en laissant la possibilité de limiter la procédure aux établissements de crédit et autres créanciers financiers (C. com. art. L 628-1 modifié ; art. L 628-9 et L 628-10 abrogés).

Certaines conditions d’ouverture de la sauvegarde accélérée sont maintenues avec quelques aménagements : cessation de paiements ne datant pas de plus de 45 jours ; exigence de comptes certifiés ou établis par les professionnels du chiffre précités ; projet de plan établi dans le cadre d’une conciliation préalable et susceptible d’être adopté par les parties affectées par ce projet (et non plus par les comités de créanciers) à court terme (désormais, 4 mois maximum). En revanche, les conditions relatives aux comptes consolidés et aux seuils d’effectifs, de chiffre d’affaires et de total de bilan sont supprimées (C. com. art. L 628-1 modifié).


Ces seuils avaient déjà été temporairement écartés par le Gouvernement lorsque, en raison de la crise sanitaire, il avait adapté le droit des entreprises en difficulté (Ord. 2020-596 du 20-5-2020 art. 3, al. 1).


La sauvegarde accélérée n’a d’effets qu’à l’égard des parties affectées par le projet de plan établi lors de la conciliation (art. L 628-6 modifié) et ce projet est soumis au vote des classes de parties affectées (sur cette question, voir nos 37 s.), dont la constitution est ici obligatoire.

Comme avant la réforme, il est mis fin à la procédure si l’entreprise était en cessation des paiements depuis plus de 45 jours lors de la demande ou si aucun plan n’est arrêté dans le délai requis (art. L 628-8, al. 2).


N’a pas été pérennisée la faculté, ouverte temporairement au tribunal (Ord. 2020-596 du 20-5-2020 art. 3, al. 2), de prononcer la mise en redressement ou en liquidation judiciaire de l’entreprise lorsqu’aucun plan n’était adopté dans les délais requis et que les conditions d’ouverture de ces procédures étaient réunies.


L’ordonnance 2021-1193 fait de la sauvegarde accélérée le « cadre de restructuration préventive » dont la directive de 2019 imposait la mise en place par les Etats membres de l’Union européenne (cf. Dir. art. 4). Conformément aux exigences du droit européen, cette procédure est plus largement ouverte ; elle est rapide ; elle suspend les poursuites contre le débiteur ; elle favorise les nouveaux financements ( nos 27 s.) ; le plan de restructuration est voté par les « parties affectées » par celui-ci qui sont réunies en classes distinctes selon les intérêts en présence ( nos 37 s.).


Certains des aménagements précités sont apportés au régime de la sauvegarde classique auquel se réfère partiellement celui de la sauvegarde accélérée mais aussi ceux du redressement et de la liquidation judiciaires, qui sont ainsi affectés par ricochet.


Réduction de la durée de la période d’observation de la sauvegarde classique


En cas de sauvegarde classique ou de redressement judiciaire, la durée de la période d’observation est de 6 mois, renouvelable une fois pour la même durée, et elle peut être exceptionnellement prolongée de 6 mois supplémentaires à la demande du procureur de la République (soit une durée maximale de 18 mois). La prolongation exceptionnelle est supprimée pour la sauvegarde, qui est donc limitée à 12 mois au plus conformément à l’objectif de rapidité des procédures de restructuration prôné par la directive 2019/1023 (art. 6 et 25, b), mais pas pour le redressement judiciaire (C. com. art. L 621-3 et L 631-7 modifiés).


Passif pris en compte pour l’élaboration du plan


Lorsque les engagements pour le règlement du passif peuvent être établis sur la base d’une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, ils portent sur les créances déclarées admises ou non contestées, ainsi que sur les créances identifiables, notamment celles dont le délai de déclaration n’est pas expiré (C. com. art. L 626-10, al. 2 modifié).


Déjà admise à titre temporaire en raison de la crise sanitaire (Ord. 2020-596 du 20-5-2020 art. 4, al. 3), cette faculté est pérennisée. Elle permet d’accélérer le déroulement de la période d’observation et l’examen d’un plan sans attendre que toutes les créances déclarées soient vérifiées. Elle s’applique tant en sauvegarde qu’en redressement judiciaire (art. L 631-19, I).

IV. Nouveaux actes de gestion autorisés durant la période d’observation


L’ordonnance ajoute à la liste des actes de gestion que le débiteur (ou l’administrateur) peut effectuer sous réserve d’obtenir l’autorisation du juge-commissaire (C. com. art. L 622-7, II modifié) :

  • - la possibilité de payer le transporteur qui exerce contre l’expéditeur ou le destinataire des marchandises l’action directe prévue par l’article L 132-8 du Code de commerce, alors que les tribunaux l’interdisaient (CA Paris 22-11-2018 no 17/11439), ce qui contraignait les parties à procéder par voie de transaction, elle aussi autorisée par le juge-commissaire, mais le procédé était condamnable en ce qu’il était contraire à l’interdiction de payer les créances antérieures au jugement ouvrant la procédure collective ;

  • - la faculté d’exercer le droit au retrait d’une créance litigieuse cédée en payant au cessionnaire le prix réel de la créance, les frais et intérêts afférents à celle-ci afin d’en être libéré (C. civ. art. 1699) ; là encore la jurisprudence s’opposait à cette opération jusqu’à présent (Cass. com. 12-10-2004 no 03-11.615 F-PB : RJDA 3/05 no 288 ; Cass. com. 12-1-2010 no 08-21.370 F-D : RJDA 6/10 no 646), ce qui était critiqué par la doctrine qui invoquait l’intérêt évident de celle-ci pour l’ensemble des créanciers puisqu’elle conduisait à la réduction du passif (M. Cabrillac et Ph. Pétel : JCP G 2005 I no 107 § 16 ; P.-Y. Gautier : RTD civ. 2005 p. 417) ;

  • - la possibilité de constituer une sûreté réelle conventionnelle en garantie d’une créance postérieure à l’ouverture de la procédure ; auparavant, le juge-commissaire ne pouvait autoriser, à la lettre du texte, que la constitution d’une hypothèque, d’un gage ou d’un nantissement ; en pratique, d’autres formes de sûretés réelles étaient utilisées (telles qu’un gage-espèces pour garantir les livraisons durant la période d’observation ; pour une illustration, voir Cass. com. 3-4-2019 no 18-11.281 F-PB : RJDA 6/19 no 448 précisant déjà que ce gage ne pouvait pas garantir une créance antérieure à l’ouverture de la procédure collective).

Applicables en cas de sauvegarde et de redressement judiciaire (par renvoi de l’art. L 631-14), mais non en cas de liquidation judiciaire (cf. art. L 641-3, al. 1), ces dispositions constituent de nouvelles exceptions à l’interdiction faite au débiteur et à l’administrateur de payer certaines créances (celles antérieures au jugement d’ouverture ou celles nées après mais pas pour les besoins de la procédure ; art. L 622-7, I) mais aussi, de fait, à l’interdiction pour les créanciers d’inscrire de nouvelles sûretés sur les biens du débiteur après l’ouverture de la procédure (art. L 622-30, al. 1). Elles facilitent la gestion de l’entreprise débitrice durant la période d’observation.

V. Pérennisation des privilèges pour les apports d’argent frais


Aux termes de l’habilitation législative reçue en 2019, le Gouvernement devait inciter les nouveaux apports de trésorerie au profit d’un débiteur faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité ou bénéficiant d’un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal (Loi 2019-486 du 22-5-2019 art. 60, 14o).


Des privilèges avaient été institués temporairement en mai 2020 afin d’inciter de tels apports pendant la crise sanitaire (Ord. 2020-596 du 20-5-2020 art. 5, IV et 10, II ; Loi 2020-1525 du 7-12-2020 art. 124).


L’ordonnance 2021-1193 pérennise ces privilèges au bénéfice des personnes ayant consenti un nouvel apport de trésorerie :

  • - en vue d’assurer la poursuite de l’activité pour la durée de la procédure (C. com. art. L 622-17, III-2o nouveau) ; ces apports doivent être autorisés par le juge-commissaire dans la limite nécessaire à la poursuite de l’activité pendant la période d’observation (art. L 622-17, al. 6 nouveau) ;

  • - pour l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement (art. L 626-10, al. 1 modifié) ou à l’occasion de la modification de ce plan (art. L 626-26, al. 3 nouveau) ; mais ce privilège ne profite ni aux apports consentis par les associés de la société débitrice dans le cadre d’une augmentation de capital ni, directement ou indirectement, aux créanciers pour des concours antérieurs à l’ouverture de la procédure collective (art. L 626-10, al. 5 nouveau), par exemple à ceux qui ont converti leurs créances en titres ouvrant droit au capital ; ces apports ne sont pas soumis à l’autorisation du juge-commissaire mais au vote des classes de parties affectées (Rapp. au Président de la République).

Ces dispositions s’appliquent à la sauvegarde, y compris accélérée (cf. art. L 628-1), au redressement judiciaire (art. L 631-14, al. 1 et L 631-19, al. 1) et, pour le premier de ces privilèges, à la liquidation judiciaire (art. L 641-14, al. 1).


En cas de modification du plan de sauvegarde ou de redressement arrêté dans une procédure ouverte avant le 22 mai 2020, les apports de trésorerie faits lors de cette modification bénéficient du même privilège (Ord. 2021-1193 art. 73, III).


Le rang de paiement de ces apports d’argent frais est amélioré : ils ne viennent plus en concours avec les créances résultant des contrats poursuivis, mais ils restent primés par certaines créances salariales, les frais de justice de la procédure collective, les apports de trésorerie faits durant la procédure de conciliation et, en cas de liquidation judiciaire, par les créances garanties par une sûreté immobilière (C. com. art. L 622-17, L 641-13 et L 643-8, I-8o modifiés).


En outre, le créancier bénéficiant de ce privilège ne peut pas se voir imposer, sans son consentement, les délais de paiement uniformes que le tribunal peut prescrire à certains créanciers récalcitrants (art. L 626-20, I-4o nouveau). Le privilège n’est pas remis en cause, en cas d’ouverture ultérieure d’une autre procédure collective, par le nouveau plan voté par les classes de parties affectées (art. L 626-30-2, al. 2 modifié).

VI. Neutralisation de l’accroissement de l’assiette d’une sûreté


Une nouvelle limite est apportée aux droits de certains créanciers, afin d’éviter une réduction du patrimoine du débiteur après l’ouverture de la procédure collective.


Le jugement d’ouverture de la procédure collective interdit désormais de plein droit tout accroissement de l’assiette d’une sûreté réelle conventionnelle ou d’un droit de rétention conventionnel consenti par le débiteur, quelle qu’en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits (notamment par inscription de titres ou de fruits et produits venant compléter un compte-titres nanti ; C. mon. fin. art. L 211-20) ou par transfert de biens ou droits du débiteur (C. com. art. L 622-21, IV-al. 1 nouveau). Toute disposition contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d’ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé de ce jugement.


Toutefois, l’accroissement de l’assiette peut valablement résulter d’une cession de créance professionnelle par bordereau Dailly (cf. C. mon. fin. art. L 313 23) lorsqu’elle est intervenue en exécution d’un contrat-cadre conclu antérieurement à l’ouverture de la procédure collective (C. com. art. L 622-21, IV-al. 3 nouveau).

VII. Élargissement des nullités de la période suspecte


Jusqu’alors, étaient nuls de plein droit les hypothèques (conventionnelles, judiciaires ou l’hypothèque légale des époux), les gages ou nantissements constitués pendant la « période suspecte » – c’est-à-dire entre la date de la cessation des paiements et le jugement ouvrant la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire – sur les biens du débiteur pour des dettes antérieures. L’ordonnance élargit la liste des actes ainsi nuls de plein droit, s’ils ont été constitués en période suspecte, en visant toutes les sûretés réelles conventionnelles et tous les droits de rétention conventionnels, à moins qu’ils ne remplacent une sûreté antérieure d’une nature et d’une assiette au moins équivalentes (C. com. art. L 632-1, I-6o modifié).


L’ordonnance prend par ailleurs en compte le régime particulier de la cession de créance professionnelle par bordereau Dailly : il est fait exception à la règle de nullité de plein droit lorsqu’une telle cession est intervenue, même en période suspecte, en exécution d’un contrat-cadre conclu antérieurement à la date de cessation des paiements (C. com. art. L 632-1, I-6o nouveau). Dans ce cas, il importe peu que le bordereau de cession ait été établi pendant la période suspecte.


L’ordonnance entérine ainsi une jurisprudence existante (Cass. com. 30-3-2010 no 08-17.556 F-D ; Cass. com. 20-1-1998 no 95-16.718 D : RJDA 5/98 no 626 ; Cass. com. 20-2-1996 no 94-10.156 P : RJDA 5/96 no 700).

VIII. Pouvoirs du juge-commissaire en cas de créance mal déclarée


Lors de la vérification des créances déclarées, le juge-commissaire peut décider de l’admission ou du rejet des créances ou constater qu’une instance est en cours ou que la contestation ne relève pas de sa compétence ; en l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission (C. com. art. L 624-2). De cette liste limitative, la Cour de cassation avait déduit que le juge-commissaire, appelé à se prononcer sur une créance irrégulièrement déclarée, devait prononcer le rejet de la créance et non pas son inopposabilité (Cass. com. 4-5-2017 no 15-24.854 FS-PBI : RJDA 7/17 no 477). La créance était alors éteinte (Cass. com. 22-1-2020 no 18-19.526 FS-PB : RJDA 4/20 no 229), toute comme la sûreté qui la garantissait (Cass. com. 4-5-2017 précité).


L’ordonnance remet en cause cette jurisprudence en précisant que le juge-commissaire exerce les pouvoirs juridictionnels précités « si la demande d’admission est recevable » (art. L 624-2, al. 1 modifié) et donc si la déclaration de créance est régulière. Si elle ne l’est pas, le juge-commissaire n’est donc plus tenu de rejeter la créance ; il peut prononcer son inopposabilité.

Il résultait de l’ancienne jurisprudence que la créance irrégulièrement déclarée (hors délai ou sans pouvoir à cet effet) et rejetée par le juge-commissaire était moins bien traitée que celle qui n’avait jamais été déclarée, cette dernière étant, certes, inopposable à la procédure, au débiteur et à ses garants personnes physiques (art. L 622-26), mais néanmoins susceptible être recouvrée en cas de résolution du plan (Cass. com. 9-9-2020 no 19-10.206 FS-PB : RJDA 12/20 no 657). Le régime de la créance non déclarée et de celle irrégulièrement déclarée est désormais unifié.


Si cette évolution est favorable aux créanciers titulaires de sûretés, elle l’est moins pour les garants qui perdent ainsi une possibilité d’être libérés de leur engagement, mais ils peuvent se prévaloir de l’inopposabilité des créances irrégulièrement déclarées.

IX. Adoption du plan par des « classes de parties affectées »


Jusqu’à présent, les créanciers d’un débiteur en sauvegarde (y compris accélérée) ou en redressement judiciaire pouvaient être consultés sur le projet de plan dans le cadre de comités de créanciers ; l’un de ces comités regroupait les établissements de crédit et assimilés, l’autre les principaux fournisseurs. La constitution de ces comités n’était obligatoire que si l’entreprise débitrice était d’une certaine taille (150 salariés ou CA supérieur à 20 millions d’euros) ou dans le cadre d’une sauvegarde accélérée.


En application de la directive « Insolvabilité » (cf. art. 9), cette répartition des créanciers est remise en cause : le plan est voté par les seules « parties affectées » par celui-ci, qui sont, pour ce vote, regroupées par classes selon des communautés d’intérêt distinctes (C. com. art. L 626-29 s. modifiés). Le rapport au Président de la République compare ces classes à des collèges électoraux organisés en fonction de critères économiques. Il s’agit là d’une modification majeure du régime de la sauvegarde et du redressement judiciaire, mais sa portée devrait rester limitée : sous l’empire du régime précédent, la constitution des comités de créanciers ne concernait qu’un petit nombre de procédures.


« Parties affectées »


Sont des « parties affectées » (C. com. art. L 626-30, I nouveau) :

  • - les créanciers dont les droits sont directement affectés par le projet de plan ;

  • - les « détenteurs de capital », c’est-à-dire les membres de l’assemblée des associés, si leur participation au capital de la société débitrice, les statuts ou leurs droits sont modifiés par le projet de plan.

Les créances résultant du contrat de travail, les droits à pension acquis au titre d’un régime de retraite professionnelle et les créances alimentaires ne sont pas affectés par le plan (art. L 626-30, IV nouveau). L’AGS, subrogée dans les droits des salariés auxquels elle a consenti une avance pour leurs créances, n’est pas une partie affectée (Rapport au Président de la République).


Constitution des classes


La constitution de classes de parties affectées est obligatoire (C. com. art. L 626-29, L 628-4 et D 626-52 modifiés) :

  • - si, à la date d’ouverture de la procédure, l’effectif de l’entreprise débitrice atteint 250 salariés et son chiffre d’affaires net 20 millions d’euros ou si elle réalise au moins 40 millions de chiffre d’affaires net ;

  • - lorsque l’entreprise débitrice est une société qui en détient ou en contrôle une autre (cf. art. L 233-1 et L 233-3) et que l’ensemble des sociétés concernées atteignent les seuils ci-dessus ;

  • - en cas de sauvegarde accélérée.

Le débiteur et, en cas de redressement judiciaire, l’administrateur peuvent demander au juge-commissaire l’autorisation de constituer des classes de parties affectées en dehors des cas précités (art. 626-29, al. 4 et L 631-1, al. 2 modifiés).


La composition des classes de parties affectées est déterminée au vu des créances et droits nés avant la date du jugement d’ouverture de la procédure. L’administrateur judiciaire répartit, sur la base de critères objectifs vérifiables, les parties affectées en classes représentatives d’une communauté d’intérêt économique suffisante en respectant les conditions suivantes (art. L 626-30, III modifié) :

  • - les créanciers titulaires de sûretés réelles portant sur les biens du débiteur, pour leurs créances garanties, et les autres créanciers (tels ceux titulaires de sûretés sur les biens d’un tiers ou les créanciers chirographaires) sont répartis en classes distinctes ;

  • - la répartition en classes respecte les accords de subordination conclus avant l’ouverture de la procédure ;

  • - les détenteurs de capital forment une ou plusieurs classes.

En dehors de ces classes prédéterminées, l’administrateur judiciaire peut constituer d’autres classes, dans le respect des critères généraux énoncés ci-dessus et, par exemple, regrouper les créanciers publics privilégiés en une ou plusieurs classes, notamment si la composition du passif de l’entreprise le justifie (Rapport au Président de la République). De même les détenteurs de capital peuvent être répartis en plusieurs classes (art. R 626-62 modifié), tout comme peuvent l’être les obligataires (art. R 626-61 modifié).


Cette répartition par communautés d’intérêt permet à l’administrateur d’adapter ces classes à la nature du passif de l’entreprise débitrice, ce que la composition des anciens comités de créanciers n’autorisait pas.


Les contestations relatives à la qualité de partie affectée, à la composition des classes et aux calculs des voix correspondant aux créances sont désormais encadrées de façon à être rapidement tranchées par le juge-commissaire avant que le tribunal ne statue sur le plan (cf. C. com. art. R 626-58-1 nouveau).


Adoption du plan


Sous l’empire du régime antérieur, tout membre d’un comité de créanciers pouvait proposer un projet de plan de sauvegarde ou de redressement concurrent de celui présenté par le débiteur ou l’administrateur. Cette faculté n’est désormais reconnue à une partie affectée qu’en cas de redressement judiciaire (C. com. art. L 631-19, I-al. 3 modifié). Le projet de plan de sauvegarde reste donc à l’initiative du débiteur.


Les classes sont convoquées par l’administrateur selon les modalités qu’il définit et le projet de plan est adopté par chaque classe à la majorité des deux tiers des voix détenues par les membres ayant exprimé un vote (art. L 626-30-2, al. 4 et 5 et art. R 626-60 modifiés). Toutefois, les détenteurs de capital statuent selon les règles du droit des sociétés avec quelques aménagements (art. L 626-30-2, al. 6 et R 626-60, R 626-62 modifiés).


Au sein d’une classe, le vote sur l’adoption du plan peut être remplacé par un accord ayant recueilli, après consultation de ses membres, l’approbation des deux tiers des voix détenues par ceux-ci (art. L 626-30-2, dernier al. nouveau).


Conditions d’arrêté par le tribunal du plan voté par les classes


Avant d’arrêter le plan voté par les classes de parties affectées, le tribunal doit notamment contrôler que (C. com. art. L 626-31 modifié) :

  • - les parties affectées, partageant une communauté d’intérêt suffisante au sein de la même classe, bénéficient d’une égalité de traitement dans ce plan et sont traitées de manière proportionnelle à leur créance ou à leur droit ;

  • - le plan respecte le critère du « meilleur intérêt des créanciers » , c’est-à-dire que les parties affectées qui ont voté contre le plan ne se trouvent pas dans une situation moins favorable, du fait du plan, que celle qui leur serait réservée soit en cas de liquidation judiciaire ou de plan de cession, soit par application d’une meilleure solution alternative si le plan n’était pas validé ;

  • - tout nouveau financement est nécessaire pour mettre en œuvre le plan et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts des parties affectées.

Le tribunal peut refuser d’arrêter le plan si celui-ci n’offre pas une perspective raisonnable d’éviter la cessation des paiements du débiteur ou de garantir la viabilité de l’entreprise.


Application forcée interclasses du plan


Transposant les dispositions de l’article 11 de la directive de 2019, l’ordonnance permet, sous certaines conditions, au tribunal d’imposer un plan à des classes de parties affectées qui ont voté contre celui-ci (art. L 626-32 modifié pour le plan de sauvegarde, applicable pour l’essentiel au plan de redressement par renvoi de l’art. L 631-19, I-al. 5).


Le tribunal intervient à la demande du débiteur ou de l’administrateur avec l’accord de ce dernier, tant en cas de sauvegarde que de redressement judiciaire (art. L 626-32, al. 1 et L 631-19, I-al. 5 modifiés).


L’application forcée interclasses du plan suppose notamment que :

  • - le plan respecte les conditions exposées no 44 (égalité de traitement au sein des classes, critère du « meilleur intérêt », utilité des financements nouveaux) ;

  • - le plan a été approuvé par une majorité de classes de parties affectées (dont au moins une est d’un rang supérieur à celui de la classe des créanciers chirographaires) ou, à défaut, il a été approuvé par au moins une classe de parties affectées (autre qu’une classe de détenteurs de capital ou toute classe dont on peut raisonnablement supposer, après détermination de la valeur du débiteur en tant qu’entreprise en activité, qu’elle n’aurait droit à aucun paiement en cas de liquidation judiciaire ou de plan de cession) ;

  • - les créances des créanciers d’une classe qui a voté contre le plan sont intégralement désintéressées par des moyens identiques ou équivalents lorsqu’une classe de rang inférieur a droit à un paiement ou conserve un intéressement dans le cadre du plan (règle dite « de priorité », à laquelle il est possible de déroger afin d’atteindre les objectifs du plan et si le plan ne porte pas une atteinte excessive aux droits ou intérêts de parties affectées) ;

  • - aucune classe de parties affectées ne peut, dans le cadre du plan, recevoir ou conserver plus que le montant total de ses créances ou intérêts ;

  • - le respect de conditions supplémentaires lorsque le plan a été rejeté par les détenteurs de capital.

La décision du tribunal vaut approbation des modifications de la participation au capital ou des droits des détenteurs de capital ou des statuts prévues par le plan. Un ou plusieurs associés titulaires d’une minorité de blocage ne peuvent donc pas empêcher l’arrêté du plan.

X. Amélioration du sort des garants du débiteur


Protection unifiée en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire


Les personnes physiques coobligées du débiteur ou ayant consenti une sûreté personnelle ou réelle en garantie d’une dette de ce dernier bénéficiaient d’un niveau de protection moins élevé dans un redressement judiciaire que dans une sauvegarde. En effet, elles ne pouvaient pas invoquer (C. com. art. L 631-14, dernier al. et art. L 631-20) :

  • - l’inopposabilité des créances non régulièrement déclarées dans les délais requis et qui le restaient en cas d’exécution totale du plan par le débiteur ;

  • - l’arrêt du cours des intérêts pour les prêts de moins d’un an ou les contrats assortis d’un paiement différé de moins d’un an ;

  • - les dispositions du plan de redressement.

La réforme fait disparaître ces restrictions, unifiant le traitement des coobligés et garants précités que le débiteur soit en sauvegarde ou en redressement judiciaire. En revanche, leur situation, moins favorable, n’est pas modifiée en cas de liquidation judiciaire.


Déclaration de leurs créances par les garants


Même avant paiement, les personnes physiques ou morales coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent déclarer leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel (C. com. art. L 622-34 nouveau). Sous l’empire du précédent régime, cette faculté était reconnue à la caution (Cass. com. 29-10-1991 no 89-19.542 P : RJDA 1/92 no 87), car elle bénéficie d’un recours contre le débiteur avant même d’avoir payé le créancier (C. civ. art. 2309). En application de la réforme du droit des sûretés, ce recours sera supprimé à compter du 1er janvier 2022 (Ord. 2021-1192 du 15-9-2021), mais le nouvel article L 622-34 lui permettra, comme aux autres garants, de déclarer sa créance.


Les garants qui ont fait un paiement partiel peuvent le déclarer, le créancier ne pouvant déclarer sa créance que sous déduction de cet acompte (art. L 622-33 modifié).


Opposabilité de l’état des créances


Désormais, lorsqu’un coobligé ou garant du débiteur est poursuivi, l’état des créances ne lui est pas opposable tant que la décision d’admission de la créance ne lui a pas été notifiée (C. com. art. L 624-3-1, al. 2 nouveau). Le délai d’un mois dans lequel il peut former une réclamation contre l’état des créances ne court qu’à compter de cette signification (art. R 624-8, al. 4 modifié). Rappelons que, si le coobligé ou le garant n’agit pas dans ce délai, l’état des créances a autorité de chose jugée à son égard quant à l’existence et au montant de la créance (Cass. com. 16-3-1999 no 96-21.920 P : RJDA 5/99 no 575 ; Cass. com. 7-3-2006 no 04-13.762 FS-PBRI : RJDA 7/06 no 836).


Les textes ne précisent pas qui doit signifier la décision d’admission au coobligé ou au garant. A notre avis, elle incombe au créancier qui a donc tout intérêt à y procéder rapidement dès qu’il est lui-même informé de l’admission de sa créance.

XI. Principales nouveautés concernant la liquidation judiciaire


Accès à la liquidation judiciaire simplifiée


La procédure de liquidation judiciaire simplifiée, régie par les articles L 644-1 à L 644-6 du Code de commerce, obéit aux mêmes règles que la liquidation judiciaire de droit commun avec quelques aménagements permettant d’en accélérer le déroulement (notamment, phase de vérification des créances allégée et régime de cession des biens meubles du débiteur simplifié).


Elle s’impose lorsque le débiteur répond aux conditions suivantes : son actif ne comprend aucun bien immobilier ; il avait cinq salariés au plus au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure ; son chiffre d’affaires hors taxes était égal ou inférieur à 750 000 € à la date de clôture du dernier exercice comptable (C. com. art. L 641-2, al. 1 et D 641-10, al. 1).


Charge des sûretés réelles en cas de plan de cession


En cas de plan de cession de l’entreprise, la charge des sûretés réelles spéciales, garantissant le remboursement d’un crédit consenti à l’entreprise pour lui permettre le financement d’un bien sur lequel portent ces sûretés, est transmise au cessionnaire lorsque le bien est compris dans le plan de cession, sauf convention contraire conclue entre le cessionnaire et les créanciers titulaires des sûretés (C. com. art. L 642-12, al. 4).


Le cessionnaire est alors tenu de régler au créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de propriété ou, en cas de location-gérance, de la jouissance du bien sur lequel porte la garantie (même art.). L’ordonnance 2021-1193 complète cette disposition : désormais, l’obligation du cessionnaire ne vaut que si le créancier a régulièrement déclaré sa créance (art. L 642-12, al. 4 modifié).


Il est ainsi mis fin à une incertitude doctrinale. En effet, certains auteurs considéraient que, le lien entre le cessionnaire et le créancier étant indissociable du lien entre le créancier et le cédant, le créancier qui ne pouvait pas faire valoir sa créance dans la procédure du débiteur ne pouvait pas non plus la faire valoir contre le cessionnaire (F. Pérochon, Entreprises en difficulté : LGDJ 10e éd. 2014, no 1577) ; d’autres estimaient au contraire que les créances non déclarées étant seulement inopposables, la sûreté comme la charge du prêt pouvaient être légalement transmises au cessionnaire (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives : Dalloz Action 2021-2022, no 582-473).


Une fois opéré le transfert de la charge de la dette et des sûretés au cessionnaire, le débiteur est libéré des futures échéances (art. L 642-12, al. 4 modifié). Ce qui sera, à notre avis, corrélativement le cas de l’éventuelle caution qui s’était engagée à garantir les engagements du débiteur.


Est ainsi remise en cause la solution jurisprudentielle selon laquelle le plan de cession n’emporte pas de plein droit novation et ne libère donc ni le débiteur (Cass. com. 29-9-2015 no 14-17.946 F-D : RJDA 1/16 no 46) ni la caution (Cass. com. 8-1-2020 no 18-21.925 F-D : RJDA 4/20 no 230), sauf accord du créancier.


Ordre des créances en liquidation judiciaire


L’ordonnance 2021-1193 modifie l’article L 643-8 du Code de commerce, lequel établit désormais clairement l’ordre de répartition de l’actif distribuable en cas de liquidation judiciaire du débiteur, en fonction de la nature des créances et des privilèges qui y sont attachés. Quinze rangs de créances sont ainsi prévus.


Comme le souligne le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance, la liste ne se veut pas exhaustive. L’ordonnance ne crée pas de droit nouveau et ne remet pas en cause l’ordre des créances tel qu’il était précédemment défini, de façon sommaire et « dispersée », par le Code de commerce (notamment, C. com. art. L 622-17 et L 641-13, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance).


Ainsi, sans préjudice du droit de propriété ou de rétention opposable à la procédure collective et des dispositions des articles L 622-17 et L 641-13 (qui définissent les créances payables à leur échéance ou par privilège), le montant de l’actif distribuable est réparti selon l’ordre des créances suivant (C. com. art. L 643-8, I nouveau) :

  • - les subsides dus, en l’absence de rémunération spécifique au dirigeant de la personne morale débitrice, au titre de leurs fonctions (C. com. art. L 631-11) ;

  • - les rémunérations des salariés (C. trav. art. L 3253-2) et les indemnités de congés payés auxquelles ils ont droit (art. L 3253-4), créances garanties par le « superprivilège » ;

  • - les frais de justice nés régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ;

  • - les sommes dues aux producteurs agricoles par leurs acheteurs (C. com. art. L 624-21) ;

  • - les créances résultant des apports en trésorerie consentis ou des biens ou services fournis au débiteur, dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à un accord homologué, afin d’assurer la poursuite de son activité (C. com. art. L 611-11) ;

  • - les créances garanties par des sûretés immobilières classées entre elles dans l’ordre prévu au Code civil ;

  • - les créances de salaires dont le montant n’a pas été avancé en application des articles L 3253-6 s. du Code du travail ;

  • - les créances résultant des apports en trésorerie consentis en vue d’assurer la poursuite de l’activité du débiteur, qu’ils l’aient été pendant la période d’observation (C. com. art. L 622-17, III-2o) ou au moment de l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement (art. L 626-10), créances garanties par le privilège dit « d’argent frais » ;

  • - les créances résultant de l’exécution des contrats poursuivis en application de l’article L 622-13 et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement différé (C. com. art. L 622-17, III-3o) ;

  • - les sommes dues aux salariés dont le montant a été avancé en application de l’article L 3253-8, 5o du Code du travail ;

  • - les autres créances non soumises à l’interdiction de paiement énoncée à l’article L 622-7, al. 1 du Code de commerce, selon leur rang ;

  • - les créances de l’administration fiscale au titre des contributions directes et taxes assimilées (CGI art. 1920) et au titre des taxes sur le chiffre d’affaires et taxes assimilées (art. 1926), puis ses créances au titre des taxes départementales et communales assimilées aux contributions directes (art. 1924) et au titre des droits d’enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre et autres droits et taxes assimilés (art. 1929, 1) ;

  • - les créances garanties par un nantissement, par le privilège du bailleur (C. civ. art. 2332) et par le privilège du vendeur de fonds de commerce (C. com. art. L 141-5 s.) ;

  • - les créances de l’administration fiscale au titre des contributions indirectes (CGI art. 1927) et celles de l’administration des douanes au titre des droits, confiscation, amende et restitution (C. douanes art. 379) ;

  • - les créances chirographaires, en proportion de leur montant.

En plus de faire acte bienvenu de clarification, cette réécriture de l’article L 643-8 présente un double intérêt. D’une part, elle intègre dans l’ordre des créances le nouveau privilège « d’argent frais », issu de l’ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020 et qui a été pérennisé par l’ordonnance 2021-1193 ( nos 27 s.). D’autre part, elle contribue à la définition du critère du meilleur intérêt des créanciers, posé à l’article L 626-31, 4o du Code de commerce (tel que modifié par l’ordonnance 2021-1193), « qui conditionne pour partie l’application du dispositif de classes de parties affectées » (Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance).

XII. Le gérant mieux informé du relèvement des sanctions personnelles


Lorsqu’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dirigeants p peuvent être frappés d’une sanction personnelle (faillite personnelle ou interdiction de gérer) s’ils commettent l’un des faits énumérés aux articles L 653-3 s. du Code de commerce (poursuite abusive d’une activité déficitaire, détournement d’actif ou augmentation frauduleuse du passif, usage abusif des biens ou du crédit de l’entreprise, etc.).


Le décret 2021-1218 apporte une précision : l’acte de notification du jugement prononçant la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer doit mentionner que la procédure pour obtenir le relèvement de ces sanctions est régie par les articles L 653-11 et R 653-4 (C. com. art. R 653-3, al. 1 nouveau). Cette mesure d’information est bienvenue dans la mesure où le débiteur ignore souvent la possibilité qu’il a d’être relevé de la sanction, par exemple en contribuant personnellement et de façon suffisante au paiement du passif de l’entreprise (C. com. art. L 653-11, al. 3).

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