Nouvelle procédure temporaire de traitement des difficultés des entreprises
Est créée, à titre provisoire, une nouvelle procédure judiciaire simplifiée, destinée à régler les difficultés causées ou aggravées par la crise sanitaire, partiellement soumise aux règles régissant la sauvegarde et le redressement judiciaire et visant à permettre l’adoption rapide d’un plan d’apurement du passif.
Dans la crainte d’une augmentation significative des défaillances d’entreprises en 2021 et 2022 provoquées par l’épidémie de Covid-19, la loi relative à « la gestion de sortie de la crise sanitaire » a institué une procédure temporaire de « traitement de sortie de crise » pour les entreprises en difficulté.
Cette procédure judiciaire, partiellement soumise au régime de la sauvegarde et du redressement judiciaire, sera plus courte et plus simple que ces dernières procédures.
Destinée aux entreprises qui fonctionnaient de façon satisfaisante avant la crise, elle doit leur permettre de rebondir rapidement grâce à une restructuration de la dette.
La loi prévoit que cette nouvelle procédure est applicable aux demandes formées à compter du 2 juin 2021, bien qu’un décret d’application soit attendu, jusqu’au 2 juin 2023 (Loi 2021-689 art. 13, VII).
La nouvelle procédure présente les principales particularités suivantes.
Entreprises visées
Les entreprises visées sont les mêmes que celles pouvant faire l’objet d’une procédure collective « classique » : toute personne physique - y compris une EIRL - exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou indépendante (y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé) et toute personne morale de droit privé.
Mais une entreprise ne peut bénéficier de la nouvelle procédure que si elle répond aux conditions suivantes, qui sont cumulatives :
avoir un nombre de salariés et un total de bilan inférieurs à des seuils qui seront fixés par décret ; selon les travaux parlementaires, ces seuils seraient fixé à 20 salariés et à 3 millions d’euros de passif déclaré ;
disposer de comptes qui apparaissent réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise ;
être en cessation des paiements mais disposer néanmoins des fonds disponibles pour payer ses créances salariales ;
justifier être en mesure, dans un délai maximal de trois mois, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise.
Rappelons qu’une entreprise est en cessation des paiements lorsque, en tenant compte de ses réserves de crédit et des moratoires accordés par ses créanciers, elle se trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible (C. com. art. L 631-1).
Il s’agirait ici d’une cessation des paiements « relative » puisque l’entreprise doit, non seulement encore pouvoir payer ses salariés mais aussi disposer des ressources pour financer la période d’observation ( no 7).
Ouverture de la procédure
La nouvelle procédure ne pourra être ouverte qu’à la demande du chef d’entreprise ; aucun pouvoir d’initiative n’est reconnu aux créanciers ou au ministère public. Mais la demande sera examinée en présence de ce dernier.
Le tribunal désignera un mandataire de justice qui sera chargé de surveiller la gestion du chef d’entreprise mais aussi d’agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. Ce mandataire cumulera donc les fonctions habituellement dévolues à l’administrateur et au mandataire judiciaires dans une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire de droit commun.
Ce mandataire ne pourra pas être chargé d’assister le chef d’entreprise dans la gestion (mission qui suppose que les actes de gestion soient effectués conjointement) ni de la prendre en charge en tout ou partie. Cette absence de dessaisissement devrait inciter les chefs d’entreprise à recourir à cette nouvelle procédure.
La désignation de créanciers comme contrôleurs sera possible mais l’administration fiscale, les organismes de sécurité sociale et de prévoyance et l’AGS ne pourront pas être désignés contrôleurs.
Période d’observation
La période d’observation sera limitée à 3 mois ; au bout de 2 mois, le tribunal n’ordonnera la poursuite de cette période que s’il apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. Cette exigence s’articule mal avec celle de la cessation des paiements (hors créances salariales) posée pour l’ouverture de la procédure.
Au cours de cette période, le chef d’entreprise, le mandataire de justice ou le ministère public pourra demander au tribunal de mettre fin à la procédure si l’élaboration d’un plan n’apparaît pas envisageable dans le délai de 3 mois. Ces mêmes personnes pourront alors demander la mise en redressement ou en liquidation judiciaire de l’entreprise si les conditions d’ouverture de l’une ou l’autre ces procédures sont remplies.
Le régime des contrats en cours est partiellement neutralisé. Le mandataire de justice pourra toujours exiger la poursuite d’un contrat en en fournissant la contre-prestation ou renoncer à sa poursuite. Mais sont écartées les cas de résiliation de plein droit dont un cocontractant peut se prévaloir (après vaine mise en demeure du mandataire ou à défaut de paiement des sommes dues au titre du contrat continué), sauf pour le bail des locaux d’exploitation. Est aussi neutralisée la faculté pour le mandataire de demander la résiliation au juge-commissaire d’un contrat en cours autre qu’un bail professionnel.
Le régime des restitutions et revendications (biens détenus par l’entreprise en difficulté mais dont elle n’est pas propriétaire) ne sera pas applicable. Le délai de revendication – 3 mois maximum à compter de la publication du jugement d’ouverture – ne pouvait pas être envisagé dans une procédure elle-même limitée à 3 mois.
Détermination du passif à traiter
Dans une sauvegarde ou un redressement judiciaire de droit commun, les créanciers antérieurs à l’ouverture de la procédure déclarent leurs créances, le mandataire judiciaire les vérifie et le juge-commissaire les admet au passif ou les rejette, à moins qu’elles ne relèvent pas de sa compétence. Ces formalités seront ici écartées au profit des suivantes.
Le débiteur établira la liste des créances de chaque créancier identifié dans ses documents comptables ou avec lequel il est lié par un engagement dont il peut justifier l’existence. Cette liste, qui comportera les mêmes indications qu’une déclaration de créance (montant, échéances, privilège ou sûreté assortissant la créance) fera l’objet d’un contrôle dont les modalités seront fixées par décret.
Les créanciers, auxquels sera communiqué l’extrait de la liste qui les concerne, pourront transmettre au mandataire de justice leur demande d’actualisation ou leur contestation dans un délai qui n’est pas encore fixé. Le juge-commissaire pourra, comme dans un redressement judiciaire « classique », admettre la créance, la rejeter, constater que la créance fait l’objet d’une instance en cours ou qu’il est incompétent pour trancher la contestation. Mais sa décision n’aura d’autorité qu’à l’égard des parties entendues ou convoquées.
Les engagements pour le règlement du passif, qui figureront dans le plan, pourront être établis sur la base de cette liste dès lors que les créances ne seront pas contestées.
Plan de traitement du passif
Les modalités d’adoption du plan seront celles actuellement prescrites pour un plan de sauvegarde (consultation des créanciers au sein ou en dehors des comités de créanciers) sous les réserves suivantes.
Le plan ne pourra pas comporter de dispositions relatives à l’emploi que le débiteur ne pourrait financer immédiatement.
Le plan ne pourra affecter que les créances nées avant l’ouverture de la procédure et mentionnées sur la liste précitée, mais ne seront pas concernées, et donc insusceptibles de délais ou de remises, les créances nées d’un contrat de travail, les créances alimentaires, les créances d’origine délictuelle, ni celles d’un montant inférieur à une somme qui sera fixée par décret.
Le montant des annuités prévues par le plan à compter de la troisième ne peut être inférieur à 8 % du passif établi par le débiteur (au lieu de 5 % dans une sauvegarde ou un redressement ne visant pas une exploitation agricole).
Si un plan n’est pas arrêté dans les 3 mois du jugement d’ouverture, le tribunal ouvrira, à la demande du débiteur, du mandataire désigné ou du ministère public, une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, si les conditions en sont réunies. Cette décision mettra fin à la procédure.
A noter que la cession de l’entreprise n’est pas envisagée comme une issue de la nouvelle procédure, ce qui peut inciter le chef d’entreprise à en demander l’ouverture.
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Parallèlement à la loi du 31 mai 2021, le ministre de l’économie et le garde des sceaux ont présenté le 1er juin dernier un plan d’action à destination des entreprises en situation de fragilité afin de les accompagner pendant la sortie de la crise sanitaire et d’éviter les défaillances d’entreprises. Voici les principales mesures de ce plan.
Des interlocuteurs pour accompagner les entreprises
Dans chaque département, un conseiller départemental à la sortie de crise va être chargé d’accueillir et de conseiller les entreprises financièrement fragiles, dans un cadre strictement confidentiel.
Les Urssaf et les services de la DGFiP ont mis en place un numéro d’appel unique - 0 806 000 245 – afin d’orienter les chefs d’entreprises vers les solutions les plus adaptées à leur problème.
Les experts-comptables, les commissaires aux comptes, les administrateurs et les mandataires judiciaires vont proposer des diagnostics sans surcoûts ou gratuits aux entreprises ; les greffes des tribunaux de commerce proposent déjà des outils d’autodiagnostic, y compris en ligne.
Des aides financières prolongées
Sont prolongés la possibilité de demander un prêt garanti par l’Etat (PGE), le relèvement des garanties publiques de cautions et de préfinancement à l’export (pour les PME et ETI, entreprises de taille intermédiaire), les prêts exceptionnels aux petites entreprises qui n’ont pas pu bénéficier d’un PGE, les avances remboursables et prêt à taux bonifié (pour les PME et ETI).
En outre, un fonds de transition (3 milliards d’euros) va intervenir, auprès des ETI et des grandes entreprises, sous forme de prêt, quasi-fonds propres et fonds propres ; les demandes doivent être transmises par courrier électronique à fonds.transition@dgtresor.gouv.fr.
L’Etat et les Urssaf proposent par ailleurs des plans d’apurement permettant d’allonger la durée de paiement des dettes fiscales et sociales des entreprises.
Des procédures de prévention plus adaptées
Le Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires s’engage à proposer une procédure amiable simplifiée, sous la forme d’un mandat ad hoc de sortie de crise, aux entreprises employant 10 salariés au plus et qui rencontrent des difficultés financières en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences. Son coût est plafonné à 1 500 € HT pour les entreprises de moins de 5 salariés et à 3 000 € HT pour celles ayant entre 5 et 10 salariés.
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