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  • Photo du rédacteurDavid Sanglier

Comment comptabiliser les pénalités de retard sur marchés de construction ?

Selon la CNCC, les pénalités de retard sur marchés de construction devraient pouvoir être classées en résultat d’exploitation, puisque ces pénalités sont inhérentes à l’activité courante de l’entité et ne sont pas liées à un événement majeur et inhabituel.


Les pénalités de retard sur marchés sont des éléments du résultat exceptionnel selon le plan de comptes…


D’une nature « indemnitaire » entre les parties et exonérées de TVA, les pénalités de retard sur marché ne résultent pas d’une infraction à la réglementation juridique ou économique, ni même de majorations ou d’intérêts de retard pour paiements tardifs. Elles relèvent de dispositions contractuelles convenues entre les parties visant à sanctionner le non-respect du planning de livraison prévu au contrat. Ce dépassement du délai de livraison trouve son origine dans les conditions de réalisation des chantiers de construction des ouvrages. Ainsi, les pénalités contractuelles viennent compenser la non-atteinte d’un critère de performance en termes de délai.


L’ANC a récemment rappelé que le classement des produits et des charges exceptionnels dépend actuellement de leur nature, selon le plan de comptes (« Recommandations relatives à la prise en compte des conséquences de l’événement Covid-19 dans les comptes et situations établis à compter du 1er janvier 2020 » du 15-1-2021, question B6A). Or, selon le plan de comptes du PCG (art. 932-1), les pénalités sur marché sont classées par nature dans le résultat exceptionnel, dans le compte 6711 – Pénalités sur marchés.


La question a été posée à la CNCC de savoir si de telles pénalités, lorsqu’elles constituent des éléments usuels des contrats de construction, ne devraient pas être classées en résultat courant, malgré leur nature exceptionnelle.


… pouvant être reclassés en résultat courant si elles sont liées à l’activité courante de l’entité…


Selon le Code de commerce (art. R 123-192), le résultat exceptionnel est celui dont la réalisation n’est pas liée à l’exploitation courante de l’entreprise. Cette définition fait appel au jugement pour définir les opérations qui sont liées ou non à l’exploitation courante de l’entreprise.


L’ANC a ainsi rappelé à l’occasion des recommandations précitées qu’il est possible, en interprétant le Code de commerce, d’inscrire en résultat exceptionnel certains produits et charges classés normalement par nature en exploitation. De même, il semble donc possible d’inscrire en résultat d’exploitation certains produits et charges classés normalement par nature en exceptionnel.


Tel est d’ailleurs l’objectif du projet de règlement de l’ANC relatif à la modernisation des états financiers et de la nomenclature qui prévoit :


– de définir les éléments exceptionnels comme des produits et des charges directement liés à un événement majeur et inhabituel (c’est-à-dire, en général, qui ne s’est pas produit au cours des derniers exercices et qui ne se reproduira probablement pas) ;


– et de limiter les éléments inscrits par nature en résultat exceptionnel aux provisions réglementées, aux changements de méthode et aux corrections d’erreurs.


La doctrine de la CNCC prévoit ainsi, depuis 2012, le classement en résultat courant de certaines cessions de matériels immobilisés, lorsque l’activité courante de la société le justifie, par exemple, celle des sociétés de location dont le modèle d’affaires est fondé sur la rentabilisation de leur activité de location grâce à la plus-value qu’elles réalisent sur la revente du matériel sur le marché de l’occasion (Bull. CNCC no 166, juin 2012, EC 2012-09, p. 403 s.).


De même, concernant les pénalités de marché qu’une entité est amenée à supporter, la CNCC considère que l’entité doit apprécier si elles entrent ou non dans le champ de son exploitation et de ses activités courantes :

  • si l’analyse menée conduit à considérer que les pénalités sur marchés ont un caractère exceptionnel (liées à un événement majeur et inhabituel), celles-ci sont comptabilisées au compte 6711 – Pénalités sur marchés ;

  • si elles relèvent au contraire de l’activité courante de l’entité, elles sont comptabilisées en charges d’exploitation.

Au cas particulier du secteur de la construction, la CNCC relève que les pénalités sur marchés sont systématiquement prévues au contrat. Elles constituent donc des éléments usuels de ce type de contrats, puisqu’elles sont liées à des événements qui trouvent leur origine dans la réalisation des chantiers.


Dès lors, la CNCC considère :

  • - que ces pénalités ne sont pas liées à un événement majeur et inhabituel ;

  • - qu’il est, par conséquent, justifié de les classer en résultat d’exploitation et non en résultat exceptionnel.

Dans ce cas, ces pénalités sont, à notre avis, à comptabiliser en compte 658 – Charges diverses de gestion courante.

A noter : Cette position de la CNCC est en phase avec la définition du résultat exceptionnel du projet de règlement de modernisation des états financiers de l’ANC (voir ci-avant).

Selon ce projet :

  • un événement est majeur lorsque ses conséquences sont susceptibles d’avoir une influence sur le jugement que les utilisateurs des documents de synthèse peuvent porter sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l’entité, ainsi que sur les décisions qu’ils peuvent être amenés à prendre ;

  • un événement inhabituel est un événement qui n’est pas lié à l’exploitation normale et courante de l’entité. Un événement est présumé inhabituel lorsqu’un même événement ne s’est pas produit au cours des derniers exercices comptables et qu’il est peu probable qu’il se reproduise au cours des prochains exercices comptables.

… et dans le respect du principe de permanence des méthodes


Enfin, la CNCC rappelle qu’en principe le classement des opérations en résultat d’exploitation ou en résultat exceptionnel doit être réalisé de manière cohérente et permanente d’une année sur l’autre et doit faire l’objet d’une description dans l’annexe des comptes.

A notre avis : Cela signifie que, si une entreprise décide de classer les pénalités de retard en résultat courant sur la base de l’analyse rappelée par la doctrine CNCC ci-avant, alors elle devrait analyser l’ensemble de ses opérations (cessions, dons, dépréciations, provisions…) selon la même logique et les classer en résultat exceptionnel uniquement lorsqu’elles résultent d’un événement majeur et inhabituel.

L’évolution de la doctrine comptable devrait être prise en compte par la jurisprudence fiscale


Fiscalement, le classement des pénalités de retard sur marchés de construction parmi les charges d’exploitation ou les charges exceptionnelles a une incidence directe sur le montant de la valeur ajoutée à retenir pour l’établissement de l’assiette de la CVAE des entreprises concernées, puisque seuls les charges et produits d’exploitation sont retenus dans ce calcul.

Le Conseil d’État a récemment rendu définitif un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles sur ce point par une décision de non-admission de pourvoi en cassation (CE (na) 25-3-2020 no 434002). La CAA de Versailles avait qualifié de charges exceptionnelles les pénalités de retard dues dans l’exécution d’un marché de construction, en se fondant sur la circonstance que, suivant les dispositions du PCG applicables à l’époque des faits (exercice 2010), les pénalités sur les marchés de construction devaient être inscrites au compte 6711, donc en charges exceptionnelles (CAA Versailles 27-6-2019 no 17VE01564). Le Conseil d’État a suivi les conclusions de sa rapporteure publique, suivant lesquelles, d’une part, le PCG n’offrait pas (à l’époque des faits) de possibilité d’option pour le classement de ces pénalités et, d’autre part, ces pénalités ne relèvent pas, selon elle (ce qui est discutable, à notre avis), du modèle économique de l’entreprise.


Mais une décision de non-admission d’un pourvoi en cassation ne fixe pas de façon définitive la jurisprudence, et s’il est à nouveau saisi de cette question, le Conseil d’État devra prendre en compte l’évolution de la doctrine comptable (notamment la doctrine CNCC depuis 2012 qui offre clairement une option aux entreprises) et la future définition de l’ANC. Le principe suivant lequel la détermination de la valeur ajoutée s’appuie prioritairement sur le classement comptable des produits et charges devrait, à notre avis, le conduire à tirer les conséquences du classement parmi les charges d’exploitation des pénalités de retard sur marchés de construction.

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