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  • Photo du rédacteurDavid Sanglier

Entreprises en difficultés : risques d’un apport en compte courant

Les risques d’un apport en compte courant effectué in extremis dans une entreprise en difficulté.

Augmenter son compte courant d’associé peut théoriquement permettre à la société d’éviter une procédure collective. Encore faut-il que cet apport ne soit pas jugé abusif et qu’il s’avère suffisant pour sortir la société de ses difficultés financières.

Cass. com. 1er juillet 2020, n° 19-12068


Augmenter son compte courant d’associé pour éviter une procédure collective Société en état de cessation des paiements Lorsqu’une entreprise est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible (on dit alors qu’elle est en cessation des paiements), son dirigeant doit demander l’ouverture d’une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaires). Il s’agit là d’une obligation. Le dirigeant doit présenter cette demande au tribunal dans les 45 jours de l’apparition de l’état de cessation des paiements.

À défaut, il peut être condamné à prendre en charge une partie du passif (cass. com. 10 mars 2015, n° 12-16956). Il peut également faire l’objet d’une interdiction de gérer (c. com. art. L. 653-8).


Éviter la procédure collective Pour éviter l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires, le dirigeant peut naturellement chercher à obtenir de nouveaux délais avec ses créanciers (ce qui réduira le passif exigible) ou encore de nouveaux financements (ce qui augmentera l’actif disponible).

À ce titre, il peut lui-même apporter de l’argent à la société. Si cet apport en compte courant rend l’actif disponible supérieur au passif exigible, la procédure collective peut alors être évitée.

Pour autant, la solution n’est pas aussi carrée qu’elle paraît, ainsi que le montre l’affaire relatée ci-après.


L’apport en compte courant doit constituer un financement « normal » Un apport en compte courant effectué en cours de procédure collective À la demande d’un de ses créanciers, une société est mise en redressement judiciaire, le tribunal de commerce ayant constaté qu’elle avait un passif de 96 000 € et qu'elle n'avait aucun actif.

Le dirigeant fait appel et la cour d’appel va donc, à son tour, juger si la société est ou non en état de cessation des paiements. Pour cela, elle prendra en compte les montants de l’actif et du passif à la date à laquelle elle statuera.

En prévision de l’audience de la cour d’appel, le dirigeant porte son compte courant d’associé à 300 000 €. Cette somme étant très supérieure au montant du passif exigible, le redressement devrait donc être infirmé.


Le redressement judiciaire confirmé malgré l’apport en compte courant La cour d’appel relève plusieurs anomalies ou aberrations dans la situation de la société, notamment : -la société ne dispose pas d'un compte bancaire ; -ses charges sont réglées par le gérant ou par un tiers ; -le compte courant d'associé du gérant est de 300 000 € pour un capital de 10 000 € ; -la société ne produit ni compte d'exploitation ni document prévisionnel.

Enfin, les juges estiment que l’apport en compte courant du gérant constitue un financement anormal destiné à soutenir artificiellement la trésorerie en dissimulant la persistance de l’état de cessation des paiements.

Ils refusent en conséquence de tenir compte de l'apport dans l’évaluation de l’actif de la société et confirment le redressement judiciaire. La Cour de cassation valide cette décision (cass. com. 1er juillet 2020, n° 19-12068).


Enseignement pratique Les dirigeants ne feront pas échapper leur société à une procédure collective si les juges estiment que leur apport en compte courant n’est qu’un soutien artificiel, un camouflage de l’état de cessation des paiements de la société.

Ces considérations, qui sont pour partie subjectives, pourraient être adoptées dans des affaires moins atypiques que celle relatée ci-dessus.

Autrement dit, un dirigeant ne peut pas être totalement sûr que son apport sera pris en compte par les juges dans l’évaluation de l’actif de la société, dès lors que la société était en cessation des paiements au moment de l'apport.


Le risque pour le dirigeant de ne pas être remboursé de son apport Un remboursement très hypothétique en cas de procédure collective Si, malgré l'apport, la société est mise en redressement ou liquidation judiciaires, le dirigeant ne pourra plus lui réclamer le remboursement de son compte courant (cass. com. 23 septembre 2014, n° 12-29262).

Il devra obligatoirement déclarer sa créance, comme le fait n'importe quel créancier de la société (c. com. art. L. 622-24, al. 1er et L. 641-3, al. 2).

Il ne sera effectivement remboursé qu'après les créanciers privilégiés et si les finances de la société le permettent, ce qui est extrêmement rare, au moins dans le cas d’une liquidation judiciaire.


Un remboursement à proscrire avant la procédure collective Le dirigeant peut être tenté de se faire rembourser son compte courant d’associé quelques jours avant de demander l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires.

Cependant, un tel remboursement peut être annulé par le tribunal dès lors que le dirigeant ne pouvait ignorer la situation financière de la société (cass. com. 29 mai 2001, n° 98-16142).

Bien plus, un tel remboursement peut être considéré comme une faute de gestion et conduire à la condamnation financière du dirigeant. Un gérant a ainsi été condamné à verser 150 000 € au liquidateur pour avoir fait rembourser son compte courant à hauteur de 100 000 € et celui d'un autre associé à hauteur de 50 000 €, cela 15 jours avant de demander l'ouverture d'une procédure collective (cass. com. 24 mai 2018, n° 17-10119).

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