Déductibilité de la TVA sur les véhicules de tourisme
- David Sanglier
- 8 mai
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 mai
La fiscalité évolue, et 2025 marque un tournant majeur en matière de TVA sur les véhicules de fonction mis à disposition des salariés.
Un nouveau rescrit fiscal publié le 30 avril 2025 change les règles du jeu, alignant la position française sur celle de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Ce texte entraîne des opportunités significatives, mais aussi des obligations nouvelles.
Voici un décryptage complet, clair et pratique pour bien comprendre les enjeux et tirer le meilleur parti de cette nouvelle doctrine.
Un régime de déduction plus favorable : une vraie révolution
Avant le rescrit : une déductibilité très restreinte
Avant 2025, la TVA n’était jamais récupérable sur les voiture de tourisme, même lorsqu’elles étaient utilisées partiellement à des fins professionnelles.
Seuls les véhicules utilitaires (ex. : fourgonnettes, pick-up à deux places, véhicules de chantier) ouvraient droit à déduction, sous réserve d’un usage strictement professionnel.
Les véhicules de tourisme étaient donc totalement exclus, même en cas d’usage mixte, car l’administration considérait que leur affectation à un usage privé était inhérente à leur nature.
Avec le rescrit de 2025 : une ouverture majeure aux voiture de tourisme
Ce principe est désormais remis en cause par le rescrit du 30 avril 2025 :
Désormais, si une contrepartie identifiable est versée par le salarié, l’entreprise peut déduire l’intégralité de la TVA, y compris sur une voiture de tourisme.
Cela signifie qu’une entreprise peut récupérer la TVA sur l’achat ou le leasing de véhicules non utilitaires affectés à ses salariés, à condition de respecter certaines conditions précises.
Cette nouvelle interprétation repose sur la notion de prestation de service à titre onéreux.
TVA récupérable : les conditions à remplir
Pour que la déduction intégrale de la TVA soit possible, l'administration fiscale exige qu'une contrepartie soit clairement établie entre l'entreprise et le salarié.
Voici les formes reconnues :
1. Participation financière du salarié
Si le salarié participe directement au coût d’usage du véhicule (forfait mensuel prélevé sur salaire, remboursement partiel de carburant...), cela constitue une contrepartie.
2. Intégration en avantage en nature
Lorsque l’usage privatif du véhicule est intégré au bulletin de paie en tant qu’avantage en nature valorisé, cela est assimilé à une contrepartie indirecte.
3. Renonciation à un autre avantage
Le cas où un salarié renonce à une prime ou un bonus en échange d’un véhicule peut également être considéré comme une contrepartie.
Attention : la gratuité totale et sans formalisation contractuelle ne permet pas la récupération de la TVA.
Voiture utilitaire vs voiture de tourisme : bien comprendre la différence
Véhicules utilitaires
TVA déductible depuis toujours, sous réserve d’un usage 100 % professionnel.
Exemples : camionnettes, véhicules de chantier, fourgons.
Véhicules particuliers
Avant : TVA systématiquement non déductible, même pour un usage mixte.
Depuis le rescrit : TVA potentiellement déductible si une contrepartie est exigée du salarié et que celle-ci est formalisée.
La distinction repose donc à la fois sur la nature du véhicule (mention sur la carte grise : "VP" pour particulier, "VU" pour utilitaire) et sur les conditions d’usage contractuelles.
Implications pratiques : une vérification des contrats s'impose
La mise en œuvre de ce nouveau régime suppose une analyse rigoureuse des documents RH et comptables :
Les contrats de travail doivent prévoir expressément les modalités d’utilisation du véhicule.
La politique interne de mise à disposition doit être écrite et mise à jour.
Le traitement paie (avantage en nature, déductions) doit être conforme.
Il est conseillé de créer un fichier de suivi des véhicules avec l’usage (pro/perso), le nom du bénéficiaire et la contrepartie appliquée.
Avantage ou piège ? Décryptage de l'effet d'aubaine
Les bénéfices :
Optimisation de la TVA : des milliers d’euros peuvent être récupérés.
Meilleure gestion des flottes : incitation à structurer l’affectation des véhicules.
Alignement européen : conformité renforcée avec les pratiques communautaires.
Les risques :
TVA collectée à reverser : la contrepartie implique une collecte de TVA sur le service rendu au salarié.
Requalification URSSAF si l’avantage est sous-évalué.
Risque de redressement fiscal en cas de procédure incomplète.
Astuces pour une mise en œuvre réussie
Formalisez la contrepartie : même symbolique, elle doit figurer dans un document contractuel.
Valorisez l’avantage en nature de façon juste : suivez les règles URSSAF à la lettre.
Adoptez une politique véhicule claire : avec modèles de contrats, formulaires de mise à disposition, grille tarifaire, etc.
Rapprochez les départements RH, comptabilité et fiscalité pour un traitement cohérent.
Auditez votre flotte : vérifiez que les véhicules éligibles sont correctement traités.
Conséquences comptables et articulation avec les règles URSSAF
Traitement comptable de la TVA et des contreparties
Avec la possibilité de récupérer la TVA sur les voitures de tourisme mises à disposition des salariés, les écritures comptables doivent suivre les règles générales du Plan Comptable Général :
La TVA déductible sur le coût d'achat ou de leasing sera inscrite au compte 44562 (TVA déductible sur immobilisations) ou 44566 (TVA déductible sur autres biens et services).
La TVA collectée sur la contrepartie (participation financière du salarié ou valorisation en avantage en nature) doit être comptabilisée en 44571 (TVA collectée), sur la base de la contrepartie perçue ou estimée.
La contrepartie elle-même constitue un produit pour l’entreprise (compte 7085 - Mise à disposition de moyens), sauf si elle est intégrée à la rémunération, auquel cas elle transite par les comptes de charges de personnel.
Il est crucial de garantir que la TVA collectée soit bien déclarée et reversée à l'administration pour éviter toute remise en cause du droit à déduction.
Coordination avec les règles URSSAF
Du point de vue social, la mise à disposition d’un véhicule à usage privatif reste un avantage en nature soumis à cotisations sociales.
Ce traitement s’applique même si le salarié verse une participation :
Si la participation est inférieure à la valeur de l’avantage, seule la différence constitue l’avantage en nature.
Si la participation est égale ou supérieure, il n’y a pas d’avantage en nature à déclarer.
L’administration URSSAF exige que cette valorisation suive les règles publiées dans la circulaire de référence, notamment en ce qui concerne le barème forfaitaire ou la méthode réelle.
📌 Point d’attention : Il ne faut pas déduire la TVA sans avoir en parallèle correctement traité l’avantage en nature côté paie. Une dissonance entre ces deux volets peut générer un risque de redressement, soit fiscal, soit URSSAF.
Questions fréquentes (FAQ)
Puis-je appliquer le rescrit à des situations passées ? Oui, le texte s’inscrit dans une logique d’harmonisation avec la CJUE, donc potentiellement applicable aux exercices non prescrits.
Faut-il collecter de la TVA même si le salarié paie peu ? Oui. Toute contrepartie entraîne collecte de TVA, même symbolique.
Quels véhicules sont concernés ? Tous les véhicules non exclus du champ de déduction : voiture de tourisme (VP) affectées à des salariés, y compris en location, dès lors qu’il existe une contrepartie.
Les véhicules utilitaires sont-ils concernés ? Oui, mais ils étaient déjà éligibles à la déduction de TVA. Le rescrit facilite surtout l'ouverture aux véhicules particuliers.
Quelles preuves dois-je fournir ? Contrat, fiche de paie, relevé de participation, mail formalisé, fiche d’affectation, etc.
Recommandations stratégiques
Intégrez le réflexe "TVA" dans vos politiques RH : la mise à disposition de véhicules est un sujet RH aussi bien que fiscal.
Formez vos équipes sur les enjeux TVA des véhicules de fonction.
Documentez tout : une procédure claire = un contrôle fiscal sécurisé.
Sanctions et contrôle : que risque-t-on en cas d’erreur ?
En cas de contrôle fiscal
Une mauvaise application du rescrit, notamment si la contrepartie n’est pas correctement documentée ou valorisée, peut entraîner :
Le rejet de la déduction de TVA sur la voiture de tourisme,
La requalification de l’opération en avantage gratuit,
Des intérêts de retard (0,20 % par mois) et majorations (jusqu’à 40 % en cas de manquement délibéré).
Les services de contrôle sont attentifs à la cohérence entre les déclarations de TVA, les contrats de travail, la paie, et les politiques internes de flotte.
En cas de contrôle URSSAF
L’URSSAF peut requalifier une mise à disposition comme avantage en nature non déclaré si :
La participation du salarié est absente ou insuffisamment justifiée,
La valorisation est manifestement sous-estimée,
Le véhicule n’est pas explicitement prévu dans un accord ou avenant contractuel.
Le redressement peut inclure des cotisations supplémentaires, des pénalités (jusqu’à 10 %) et des majorations de retard.
Nos conseils de prévention
Établir une procédure de conformité claire avec des fiches de suivi par salarié,
Associer votre expert-comptable et votre gestionnaire paie à chaque nouvelle mise à disposition,
Réaliser un audit annuel des véhicules et des traitements associés,
Conserver l’ensemble des pièces justificatives (formulaires, avenants, relevés de participation).
Conclusion
Cette évolution offre une véritable opportunité de réduction de coûts, mais elle exige de la rigueur.
En intégrant cette nouvelle règle dans une politique RH et fiscale structurée, votre entreprise peut transformer une dépense en avantage.
Faites-en un levier de pilotage !
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