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Photo du rédacteurDavid Sanglier

LBO : Des dirigeants d’une société rachetée condamnés à combler le passif social

Une société rachetée dans le cadre d’un LBO ayant été mise ensuite en liquidation judiciaire, ses dirigeants ont été condamnés à supporter l’insuffisance d’actif social pour avoir distribué des dividendes au holding créé pour les besoins de l’opération.


Un fonds d’investissement acquiert les titres d’une société via une holding créée à cet effet (opération avec effet de levier, dite « LBO »). Trois ans plus tard, la société rachetée est mise en redressement puis en liquidation judiciaires et le liquidateur poursuit trois de ses dirigeants, une personne physique et deux personnes morales, en responsabilité pour insuffisance d’actif (C. com. art. L 651-2). Il leur reproche les fautes de gestion suivantes : le versement par la société à la holding de dividendes alors que la situation de trésorerie de la société était obérée et le soutien financier abusif apporté par la société à l’une de ses filiales.


Sur les distributions fautives de dividendes au holding


Le dirigeant personne physique, également président de la holding, et les personnes morales dirigeantes avancent pour leur défense des arguments différents.


Le dirigeant personne physique soutient que les distributions de dividendes ne sont pas fautives car les remontées de dividendes sont inévitables dans le cadre d’un LBO, une telle opération impliquant, selon les termes mêmes des juges du fond, « le remboursement de la dette d’acquisition (…) par les dividendes versés par la société reprise à la holding qui en détient le contrôle ».


La Cour de cassation écarte cet argument : la décision de verser des dividendes doit être prise au regard de la situation de la société et de sa trésorerie, quand bien même ces dividendes devraient être affectés au remboursement de la dette contractée dans le cadre du LBO.


A noter


Un LBO est une opération à risque. Au cas particulier, cette opération avait été réalisée dans le contexte de la crise financière de 2008. Les juges du fond avaient relevé que les décisions de distribution des dividendes (4,6 millions d’euros), prises sur proposition des dirigeants, avaient privé la société de fonds qui lui auraient permis de faire face à ses dettes échues à la date de la cessation des paiements ; ils avaient jugé que, si la distribution réalisée l’année suivant le LBO (2007) ne pouvait pas être reprochée aux dirigeants, compte tenu des résultats encore bénéficiaires et du contexte économique porteur d’alors, il en allait autrement de celle intervenue deux ans après le LBO, réalisée malgré l’augmentation notable du besoin en fonds de roulement (21,5 millions d’euros), la baisse des fonds propres et l’importante régression des résultats de la société : chute de 1,5 million d’euros en deux ans (CA Nancy 20-12-2017 no 15/02727).


Les personnes morales dirigeantes contestaient quant à elles l’existence d’un lien de causalité entre les distributions de dividendes et l’insuffisance d’actif de la société, qui avait été constatée bien plus tard.


Cet argument est également écarté par la Haute Juridiction. En effet, il était indifférent que la faute reprochée soit antérieure de trois ans à la constatation de l’insuffisance d’actif de la société. Les distributions de dividendes avaient privé la société de réserves anciennes qui auraient pu être affectées en 2009 au règlement des dettes échues, ce qui suffisait pour caractériser l’existence du lien de causalité.


A noter


Un dirigeant de société en liquidation judiciaire ne peut être condamné à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif de la société que s’il a commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance (C. com. art. L 651-2, al. 1). Sa condamnation nécessite donc que soit caractérisé le lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et l’insuffisance d’actif. Un tel lien n’a, par exemple, pas été retenu dans un cas où l’insuffisance d’actif trouvait son origine, non dans les fautes de gestion du dirigeant, mais dans la mésentente entre les associés (CA Paris 1-2-2002 no 99-24938). En revanche, il a été caractérisé dans un cas où un dirigeant n’avait pas tenu de comptabilité, ce qui avait privé la société d’un outil de gestion qui aurait permis au dirigeant de connaître l’absence de rentabilité de celle-ci et la nécessité de cesser la poursuite de l’activité (Cass. com. 22-6-2010 no 09-14.214 F-D).


En l’espèce, la Cour de cassation a précisé que le long délai écoulé entre la faute de gestion reprochée au dirigeant et le moment où l’insuffisance d’actif est constatée ne permet pas, à lui seul, d’exclure l’existence du lien de causalité.


Sur le soutien financier abusif apporté à la filiale


Les personnes morales dirigeantes faisaient valoir qu’elles n’étaient pas responsables du soutien financier apporté à la filiale de la société. Selon elles, toutes les décisions concernant cette filiale avaient été prises par le comité de direction de la société dont elles n’avaient jamais fait partie et elles n’avaient jamais décidé ni de la création de la filiale ni du soutien financier litigieux.


Arguments écartés. Les dirigeants poursuivis avaient connaissance du soutien abusif de la filiale et le lien de causalité entre cette faute et l’insuffisance d’actif était caractérisé. En effet, il ressortait d’un procès-verbal de réunion du conseil d’administration de la holding que ses administrateurs, au rang desquels figuraient les intéressés, avaient été informés de la création de la filiale, dont les pertes cumulées dépassaient un million d’euros fin 2009. Ces pertes avaient été intégralement supportées par la société au moyen d’avances en compte courant, ce que ne pouvaient pas ignorer les deux dirigeants. Les charges ainsi assumées par la société du fait de sa filiale étaient excessives, la société ne disposant pas des moyens suffisants pour soutenir celle-ci et faire face à son propre endettement, alors que la crise économique ne permettait pas d’envisager un retournement de situation à brève échéance. En outre, le manque de vigilance des dirigeants avait contribué à ce que la situation perdure, aggravant ainsi l’insuffisance d’actif.


A noter


Les dirigeants, ne seraient-ils qu’administrateurs, font souvent valoir en vain qu’ils ignoraient la situation financière de la société. Ainsi, a été condamné à combler le passif d’une société l’un de ses administrateurs qui n’était pas à l’origine de la situation obérée de la société avant sa nomination mais qui avait, comme les autres administrateurs, commis une faute de gestion en s’abstenant de réagir à cette situation catastrophique dont il avait pris connaissance après sa nomination (Cass. com. 31-5-2011 no 09-13.975 F-PB).

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