Durant le confinement lié au Covid-19, le télétravail est devenu la norme pour tous les postes qui le permettaient. Une aubaine pour la plupart des salariés. Mais le travail à distance n’offre pas que des avantages s’il n’est pas bien organisé.
Hier regardé avec méfiance par beaucoup d’entreprises, le télétravail a finalement prouvé tout son intérêt durant la période de confinement que nous venons de traverser. Au point de changer les mentalités tant des salariés qui en ont profité que des employeurs. Pour les premiers, finies les galères liées au transport, avec à la clé, parfois, l’idée qui germe de s’éloigner des villes pour bénéficier de plus d’espace et d’un cadre de vie plus agréable. Pour les seconds, la perspective de réorganiser les espaces de travail et d'économiser des mètres carrés coûteux. Si le télétravail présente ainsi de réels atouts, il peut aussi comporter des risques qu’il faut prendre en compte.
Soyez préparés
En temps normal, le télétravail concerne surtout des cadres, qui ont l’habitude d’y recourir quelques jours par semaine ou occasionnellement. Avec le Covid-19, le télétravail s’est imposé, du jour au lendemain, à des salariés, sans formation ni préparation préalable. La plupart se sont accommodés de cette situation inédite improvisée. Mais certains ont pu en souffrir, du fait, par exemple, de l’absence de matériel informatique nécessaire ou suffisant, de l’obligation de le partager avec le conjoint, lui-même en télétravail, voire avec les enfants qui suivent leurs cours à distance. D’autres maîtrisent peu les outils numériques ou pâtissent d’une mauvaise connexion internet. Sans compter l’absence d’un espace propice au travail et la difficulté parfois de s’isoler. Pour beaucoup, l’open space du bureau s’est transformé en open space familial, avec tous les freins au travail inhérents à cette (nouvelle) promiscuité subie. Pas facile en effet de se concentrer ou de participer à une visioconférence avec de jeunes enfants à proximité, qu’il faut garder et accompagner dans leur scolarité.
Ce télétravail contraint a pu affecter davantage les salariés fragilisés, comme les moins autonomes, ceux qui commencent leur carrière et ceux qui vivent seuls avec leur(s) enfant(s).
Télétravail imposé
Le télétravail nécessite en principe l’accord du salarié (art. L 1229-9 du code du travail ). L’employeur peut toutefois s’affranchir de cette autorisation, lorsque des « circonstances exceptionnelles » l’imposent, pour assurer la continuité de l’activité de l’entreprise et protéger la santé du salarié. Et ce, notamment en cas de risque épidémique ou en cas de force majeure, comme une grève des transports (art. L 1222-11 du code du travail). Dans ce cadre, la mise en œuvre du télétravail n’est soumise à aucun formalisme préalable (voir Une loi décodée : le télétravail en cas de circonstances exceptionnelles).
De quel matériel doit-on disposer ?
En temps normal, l’employeur doit équiper les salariés des outils nécessaires au télétravail (ordinateur, logiciels, imprimante, clé 3G/4G, routeur Wifi, clés d’accès aux serveurs, etc.). En cas de circonstances exceptionnelles, il n’a pas l’obligation de fournir à ses salariés les équipements nécessaires au télétravail. Dès lors, si l’un d’entre eux n’a pas d’ordinateur personnel ou de portable professionnel, il ne pourra pas télétravailler. En revanche, l’employeur doit mettre à leur disposition les systèmes d’information utiles, comme les logiciels et autres outils de travail à distance. L’employeur n’est pas tenu de verser d’indemnité destinée à rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui la prévoit. Si le salarié perçoit une aide sous forme d’allocation forfaitaire, elle est exonérée de charges sociales si elle n’excède pas 10 € par mois pour une journée de télétravail par semaine. L’allocation forfaitaire exonérée passe à 20 € par mois pour 2 jours par semaine, 30 € par mois pour 3 jours par semaine, et jusqu’à 50 € par mois pour 5 jours par semaine. Au-delà, l’exonération de charges sociales est admise si le salarié justifie de la réalité des dépenses professionnelles supportées.
Conservez le lien avec l’entreprise
Le télétravail était jusqu’ici perçu, et parfois même suggéré, comme un remède au risque d’épuisement professionnel (« burn-out »). Travailler de chez soi quelques jours dans le mois permet, en effet, de limiter le temps passé dans les transports, de profiter d’un environnement apaisé et de mieux concilier ses vies privée et professionnelle. Mais, à forte dose, il existe un risque de perdre son aspect bénéfique. Travailler à distance diminue le sentiment d’appartenance à l’entreprise, avec un risque de perte du lien social pour les salariés les plus isolés. Cela se traduit soit par une baisse de motivation en partie liée à l’absence d’émulation collective du bureau, soit au contraire par une concentration exacerbée sur les tâches au détriment du relationnel. Selon un rapport de l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 2017, l’usage croissant des technologies numériques pour travailler à domicile aboutit à de plus longues heures de travail et estompe la limite entre travail et vie personnelle. Cela engendre un haut niveau de stress, des insomnies et un sentiment de solitude, d’isolement, voire d’exclusion. L’ONU recommande ainsi de ne pas travailler hors du bureau plus de 3 jours par semaine. Une recommandation qu’il n’a pas été possible de suivre pendant toute la durée du confinement. La menace d’un épuisement professionnel a pu être réelle. « Le burn-out intervient assez souvent lorsque le salarié est très investi, très impliqué, mais qu’il a l’impression que la reconnaissance qu’il en retire n’est pas à la hauteur. Il pense fournir deux fois plus d’efforts que d’habitude pour obtenir moitié moins de résultats. Ce qui le désole. Il ressent alors une sensation d’inutilité, voire, dans des cas extrêmes, un sentiment de trahison de la part de sa hiérarchie : “J’ai fait tout ça, pour si peu.” Le risque a pu être d’autant plus prégnant qu’il en allait souvent de la survie de l’entreprise. Beaucoup de salariés ont redoublé d’efforts pour préserver leur emploi, avec l’exigence d’être encore plus réactifs et performants. Une exigence intenable à long terme. Mais avec le retour à la normale, ce risque devrait disparaître ou s’atténuer fortement.
Organiser son temps
L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) préconise d’aménager un poste de travail spécifique (table et chaise), d’organiser son travail avec des horaires réguliers, et des pauses régulières en plus d’une vraie pause déjeuner, pour se ménager du repos visuel et éviter d’être assis trop longtemps. L’INRS suggère aussi de planifier sa charge de travail en hiérarchisant les tâches selon les priorités et le temps nécessaire pour les accomplir, avec des points réguliers avec son manager. On peut aussi informer ses collègues de son statut : « occupé » pour une tâche qui exige de la concentration, « absent » en cas de pause, ou « disponible » si l’on peut être contacté. L’employeur doit vous accompagner
L’employeur contribue aussi à la réussite du télétravail en prenant toutes les dispositions nécessaires au bien-être de ses salariés. Il est ainsi tenu de préserver la sécurité et la santé physique et mentale de ses employés, en évitant le risque d’épuisement professionnel, notamment. L’entreprise doit donc informer des risques professionnels et rappeler les règles relatives à la sécurité électrique, au travail sur écran ou à l’ergonomie pour prévenir les troubles musculo-squelettiques (TMS). Il appartient à la direction des ressources humaines de rappeler les bonnes pratiques en télétravail : s’aménager un espace de travail, segmenter le temps entre travail et non-travail, se ménager des pauses. Certaines grandes sociétés ont ouvert à tous les salariés des salles de sport virtuelles, en fin de journée. Pour autant, il faut faire attention à ce que l’entreprise ne soit pas intrusive dans la sphère privée. L’employeur doit aussi s’assurer que les salariés supportent leurs nouvelles conditions de travail. Pour garder le lien social, la communication interne est importante et les managers de proximité doivent organiser des rendez-vous réguliers avec leurs collaborateurs, pour adapter si besoin la charge de travail et la nature des tâches confiées. Des entreprises ont mis en place, ou renforcé pour l’occasion, des plateformes d’écoute téléphonique à distance. Ces hotlines assurent un accompagnement psychologique et sont actuellement sollicitées. Les ressources humaines doivent aussi rappeler aux salariés qu’ils peuvent contacter la médecine du travail pour toute difficulté. Et, en cas d’accident sur le lieu de télétravail, celui-ci est présumé être un accident du travail. Le télétravailleur n’a donc pas à prouver le lien de causalité entre l’accident et le travail confié. C’est à l’employeur de prouver que l’accident a été causé par un motif étranger au travail.
Il faut expliciter toutes ses contraintes
Le télétravail en temps de Covid-19 se distingue du télétravail ordinaire car, subi et contraint, il s’inscrit dans un contexte de confinement déjà difficile – avec parfois de jeunes enfants à la maison. Il est aussi massif et aléatoire, sa date de fin est incertaine. Il ne faut donc pas faire comme si tout était normal. L’erreur serait d’oublier ou de ne pas oser poser ses contraintes. Afin d’éviter tout malentendu, le télétravailleur doit les expliciter et convenir avec son manager de son temps disponible effectif, et des tâches qu’il peut accomplir. Il est impératif de réactualiser cette sorte de contrat pour le réajuster, si besoin. Dans cette situation inédite, il est normal de se tromper, et ce, dans les deux sens. Il ne peut y avoir d’engagement sacré au-delà d’une semaine. Comme un marathon, l’objectif est de tenir dans la durée, avec des petites foulées pour ne pas craquer. Actuellement, il faut avoir des objectifs réalistes, s’attacher aux petits succès et faire de son mieux. Déconnectez-vous régulièrement
Pour éviter des durées de travail excessives et l’hyper-connexion, la loi a prévu un garde-fou avec le droit à la déconnexion. Il s’agit du droit de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel (ordinateur, téléphone, messagerie, etc.) en dehors de son temps de travail (week-end, soirées, congés payés, jours de RTT…). Tous les salariés en bénéficient même si les modalités n’en ont pas encore été débattues au sein de l’entreprise. Mais, à ce jour, le code du travail ne prévoit aucune mesure concrète pour assurer l’effectivité de ce droit ni de sanction spécifique. Depuis le 1er janvier 2017, la loi recommande toutefois aux entreprises de respecter l’extinction des serveurs informatiques en dehors des heures de travail pour empêcher l’envoi de mails pendant les temps de repos et les vacances. Des outils peuvent aussi contrôler le temps de connexion (avec des systèmes autodéclaratifs ou des logiciels de pointage sur ordinateur qui peuvent notamment mesurer le temps de connexion aux serveurs de l’entreprise). Ces outils sont en principe prévus dans l’accord collectif ou la charte de télétravail. Mais ils ne font pas tout. La première des protections reste humaine. Éviter une surveillance excessive et respecter des plages horaires décentes pour les échanges constituent des règles de base qui devraient être intégrées par tous.
Comments