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  • Photo du rédacteurDavid Sanglier

Comment un obligataire peut-il contester le projet de plan de sauvegarde adopté par l’assemblée ?

Des créanciers obligataires peuvent contester les conditions formelles d’adoption du plan de sauvegarde ou de redressement par l’assemblée générale unique des porteurs d’obligations mais, au stade de cette assemblée, ils ne peuvent pas contester le plan lui-même.

Dans une procédure de sauvegarde avec constitution des comités de créanciers de l’entreprise (l’un réunissant les établissements de crédit et assimilés, l’autre les principaux fournisseurs de biens ou services), le projet de plan de sauvegarde est soumis au vote de chacun de ces comités (du seul comité des établissements financiers en cas de sauvegarde financière accélérée). S’il existe des créanciers obligataires, ceux-ci sont également réunis en une assemblée générale unique (AUO) appelée à délibérer sur le projet de plan adopté par les comités de créanciers (C. com. art. L 626-32, al. 1). Le projet de plan adopté par l’assemblée des obligataires peut établir un traitement différencié entre les créanciers porteurs d’obligations « si les différences de situation le justifient » (art. L 626-32, al. 2). Ceux d’entre eux qui estimeraient inéquitable ce traitement distinct peuvent-ils s’en plaindre et dans quelles conditions ? La Cour de cassation vient de trancher ces questions, retenant une position plus restrictive que celle qu’elle avait précédemment adoptée.

Rendue à propos d’un plan de sauvegarde, la décision vaut pour le plan de redressement adopté dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, par identité des textes applicables (C. com. art. L 631-19 et R 631-37).


Les faits et la décision de la Cour de cassation


Une société, qui a émis deux types d’obligations, les unes à haut rendement (A), les autres convertibles en actions nouvelles ou existantes (B), est mise sous sauvegarde. Le plan de sauvegarde est adopté par le comité des établissements de crédit créanciers et par l’AUO. Il prévoit notamment la conversion d’une grande partie de la dette obligataire en capital avec un taux de conversion de 3,12 € par action pour les obligations A (ainsi que la possibilité de souscrire à des émissions de titres) et de 10,26 € pour les obligations B. Des porteurs minoritaires d’obligations A demandent au tribunal de rejeter ce plan, invoquant une différence de traitement disproportionnée entre les deux catégories d’obligataires, constitutive selon eux d’un abus de majorité.


La Cour de cassation rejette cette demande pour les raisons suivantes. Selon l’article L 626-34-1 du Code de commerce, le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l’application des articles L 626-30 à L 626-32 du même Code (telles celles relatives à la composition des comités de créanciers ou de l’AUO, au droit de vote, aux propositions soumises au vote et à la majorité requise dans ces comités ou à l’assemblée) et sur l’arrêté ou la modification du plan ; les créanciers ne peuvent former une contestation que contre la décision du comité ou de l’assemblée dont ils sont membres. Il en résulte qu’un créancier titulaire d’obligations, membre de l’AUO, ne peut contester que l’adoption du projet de plan par cette assemblée et seulement lorsque les dispositions relatives à la constitution de cette assemblée, sa convocation, et les conditions de sa délibération telles que prévues par l’article L 626-32 ne lui semblent pas avoir été correctement appliquées. Les obligataires demandeurs ne contestaient ici ni la régularité de la tenue de l’AUO ou sa composition ni la régularité des votes mais contestaient la délibération de cette assemblée sur la modalité du plan de sauvegarde relative au traitement des porteurs d’obligations A, qui serait, selon eux, différent de celui des porteurs d’obligations B sans que cela soit justifié ; ces obligataires avaient ainsi fait indirectement appel du plan de sauvegarde lui-même et non de la délibération de l’AUO, en contestant un élément de fond du plan portant sur le remboursement des obligations selon leur nature, ce que les textes précités ne leur permettaient pas. Leur demande fondée sur un abus de majorité était irrecevable en application de l’article L 626-34-1 dès lors que un tel abus ne relève pas des contestations concernant la constitution de l’AUO, sa convocation ou les conditions de sa délibération.


Une solution restrictive…


Plusieurs dispositions légales doivent être combinées pour déterminer les recours effectivement ouverts aux obligataires minoritaires pour contester un plan de sauvegarde qui paraîtrait défavorable à leurs intérêts.


Aux termes de l’article L 661-1, I- 6o du Code de commerce, les décisions statuant sur l’arrêté du plan de sauvegarde sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation de la part d’un créancier, mais à la condition qu’il ait formé une contestation en application de l’article L 626-34-1 du même Code. On a vu que, en application de ce dernier texte, c’est par un même jugement que le tribunal tranche les contestations et arrête le plan de sauvegarde, ce jugement purgeant, par conséquent, les vices pouvant affecter le vote, notamment, de l’AUO.


L’article L 626-34-1 n’autorise pas n’importe quelle contestation. Il doit seulement s’agir, en ce qui concerne les créanciers obligataires, d’une contestation de la décision de leur assemblée générale, et pas de celle des comités des établissements de crédit et principaux fournisseurs ; cette contestation doit, en outre, porter exclusivement sur l’application de l’article L 626-32 du Code de commerce qui, complété par les articles R 626-60 et suivants du même Code, fixe la composition de l’assemblée, les modalités de convocation des obligataires à celle-ci, l’objet de leurs délibérations (notamment les délais de paiement, les abandons de créances ou encore la conversion des obligations en titres de capital…) et les conditions et formes du vote.


La Cour de cassation adopte ici une conception restrictive de l’étendue de ces contestations.

Ce sont seulement les conditions dans lesquelles la délibération a été prise qui peuvent être contestées ; par exemple, la constitution de l’assemblée, sa convocation, sa tenue ou le vote final ont été irréguliers. En revanche, le contenu même de la délibération ne peut pas être critiqué par une contestation relevant de l’article L 626-34-1 du Code de commerce. Autrement dit, le plan ne peut pas lui-même être critiqué par cette voie, lorsque les conditions procédurales de son adoption ont été respectées. La contestation de l’article L 626-34-1 du Code de commerce ne doit donc pas porter sur le fond. La Cour de cassation donne, avec l’arrêt commenté, un exemple d’une telle contestation de fond qu’elle estime irrecevable : les obligataires minoritaires ne peuvent se plaindre de ce que le plan prévoit des conditions de remboursement qui seraient différentes suivant la nature des obligations.


C’est, en effet, un élément de fond du plan qui se trouve ici en cause.

De même, les obligataires minoritaires ne peuvent, par la voie d’une contestation régie par l’article L 626-34-1, prétendre que la décision aurait été imposée par un abus de majorité, ce qui reviendrait, là encore, à critiquer indirectement le plan sur le fond.


L’arrêt commenté se situe donc très nettement en retrait par rapport à une décision précédente de la Cour de cassation qui, dans une situation voisine, avait fait porter son contrôle de la décision des juges du fond sur le contenu même de la délibération de l’AUO, en vérifiant que les intérêts des porteurs de titres super-subordonnés avaient été suffisamment protégés (Cass. com. 21-2-2012 no 11-11.693 FS-PB : RJDA 5/12 no 520), ce qui était aborder le fond. L’arrêt commenté l’exclut désormais, sans doute pour favoriser l’adoption rapide des plans.


… dont la portée est circonscrite


Pour autant, la solution retenue doit être bien circonscrite. Ce que n’admet plus la Cour de cassation, c’est de permettre à un ou plusieurs obligataires minoritaires de présenter au tribunal, avant qu’il n’adopte le plan, une autre contestation que celles, purement procédurales, évoquées plus haut. Autrement dit, c’est la contestation contemporaine à l’arrêté du plan par le tribunal dont le domaine se trouve ainsi réduit.


En revanche, l’arrêt ne dit rien de la possibilité qu’aurait, le cas échéant, un obligataire soutenant que ses intérêts propres n’auraient pas été suffisamment protégés, comme doit s’en assurer le tribunal (C. com. art. L 626-31), de contester, après coup, en invoquant ce motif, le jugement arrêtant le plan, par la voie, par exemple, de la tierce opposition à cette décision. Cette dernière question demeure en suspens, étant observé, comme il a été dit plus haut, que c’est l’appel - et seulement cette voie de recours - du jugement arrêtant le plan par un créancier obligataire dont la recevabilité est subordonnée, par l’article L 661-6, I-6o du Code de commerce, à la présentation préalable d’une contestation formée « en application de l’article L 626-34-1 ». L’article L 661-3 énonce, de son côté, que le jugement arrêtant le plan de sauvegarde est susceptible de tierce opposition, sans autre précision ni réserve. Mais la question de l’application de ce texte à une hypothèse comme celle de l’espèce ne s’est pas encore véritablement posée devant la Cour de cassation.

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