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Photo du rédacteurDavid Sanglier

Fonds de commerce : Acquisition et amortissement

En février 2021, la CNCC a précisé, s'agissant de l'acquisition d'un fonds de commerce incluant des contrats en cours déjà facturés aux clients, le traitement comptable des prestations restant à réaliser au titre de ces contrats. Le Conseil d'État a également rendu, en matière d'amortissement de fonds de commerce, un avis important, en septembre 2021, qui a d'ailleurs inspiré l'intégration d'une mesure de déductibilité fiscale temporaire dans la loi de finances pour 2022.


Achat d'un fonds de commerce incluant des contrats en cours

Les prestations restant à réaliser sur la durée résiduelle des contrats constituent un passif

La valorisation des prestations à réaliser n'est pas indiquée dans l'acte de cession

Une société acquiert un fonds de commerce composé, notamment, d'une clientèle, du bénéfice ou de la charge de certains contrats, accords et marchés ainsi que des créances y afférentes. Aucun élément de passif n'est transmis.

L'acte de cession indique que : -les créances clients acquises ne sont pas liées à la durée restant à courir des contrats de prestations continues en cours au moment de la cession ; -les droits et les obligations sur les contrats de prestations de services en cours sont repris par le cessionnaire dans leur intégralité à compter de leur date de transfert ; -chaque client a été préalablement et intégralement facturé par le cédant sur la durée totale du contrat de services à prestations continues en cours à la date de cession ; -le cessionnaire, qui s'engage à réaliser les prestations futures, reprend alors une obligation « opérationnelle » sur la durée résiduelle du contrat et va, par conséquent, engager des coûts.

L’acte de cession n'indique pas, toutefois, comment valoriser les obligations de l’acquéreur vis-à-vis des clients pour lesquels les contrats de services sont en cours.


Le cessionnaire doit comptabiliser les prestations restant à réaliser jusqu'au terme des contrats au passif de son bilan

La Commission des études comptables de la CNCC relève que l'obligation de prise en charge par le cessionnaire de l'exécution jusqu’à leur terme des contrats de services en cours à la date de cession implique la comptabilisation d'un passif dans ses comptes (PCG art. 321-1).

Sa valeur correspond au montant des prestations restant à réaliser sur la durée résiduelle des contrats (PCG art. 321-2) et a pour contrepartie le fonds commercial, constitutif d'avantages économiques futurs pour le cessionnaire (PCG art. 321-3).


Deux approches possibles pour évaluer et comptabiliser le passif

La Commission considère que ce passif peut, en pratique, être comptabilisé et évalué selon deux approches (CNCC, EC 2020-05, février 2021).

Selon cette approche, le prix de cession du fonds de commerce intègre la marge future qui sera réalisée par le cessionnaire sur les contrats en cours.

Le passif comprend donc non seulement les frais directs et indirects nécessaires pour terminer les prestations en cours à la date de la cession, mais également la marge correspondante.

Un produit constaté d’avance (PCA) est à comptabiliser. Il est égal au chiffre d’affaires restant (PCG art. 321-7 ; avis CNC 2000-01 du 20 avril 2000 relatif aux passifs).


Seconde approche : comptabilisation d'une provision

Selon cette seconde approche, la reprise des contrats en cours est considérée comme un passif intégré au coût d'acquisition global.

Le passif à comptabiliser par le cessionnaire à la date d’acquisition du fonds de commerce a une nature de provision et inclut seulement les frais directs et indirects restant à encourir pour terminer les prestations.

La Commission des études comptables de la CNCC privilégie la première approche.


Amortissement du fonds de commerce des petites entreprises

Rappel des règles comptables et fiscales

Règles comptables

Le fonds commercial est constitué par les éléments incorporels du fonds de commerce qui ne font pas l’objet d’une évaluation et d’une comptabilisation séparées au bilan et qui concourent au maintien et au développement du potentiel d’activité de l’entreprise (PCG art. 212-3).

Présomption (réfutable) d'une durée d'utilisation non limitée.

Il est présumé avoir une durée d’utilisation non limitée (PCG art. 214-3). Par conséquent, il est présumé ne pas devoir faire l’objet d’amortissements. En compensation, un test annuel systématique de dépréciation du fonds commercial est imposé (PCG art. 214-15).

Cependant, lorsque sa durée d’utilisation est limitée au regard de certains critères (PCG art. 214-1), cette présomption est réfutée. Dans ce cas, et si cette durée peut être déterminée de manière fiable, le fonds commercial est amorti sur sa durée d’utilisation (PCG art. 214-3). Dans des cas exceptionnels, lorsque la durée d’utilisation du fonds commercial ne peut pas être déterminée de manière fiable, il est amorti sur une durée fixée à 10 ans (c. com. art. R. 123-187 ; PCG art. 214-3, al. 4).Dérogation visant les petites entreprises.

S'agissant plus particulièrement des petites entreprises (PE), le PCG leur permet d'amortir sur 10 ans leurs fonds commerciaux inscrits au bilan (PCG art. 214-3, al. 5). Celles qui font ce choix évitent, alors, la réalisation de tests de dépréciation.

Cette mesure de simplification concerne les petites entreprises (PE) au sens comptable, à savoir, les commerçants, personnes physiques ou morales, qui ne dépassent pas, au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, 2 des 3 seuils suivants (c. com. art. L. 123-16 et D. 123-200) : -un total bilan de 6 M€ ; -un chiffre d'affaires de 12 M€ ; -un effectif de 50 salariés (effectif « sécurité sociale ») (c. séc. soc. art. L. 130-1).

Lorsque l'entreprise dépasse ou cesse de dépasser 2 de ces 3 seuils, cette circonstance n'a d'incidence que si elle se produit pendant deux exercices consécutifs (c. com. art. L. 123-16).


Règles fiscales

Le droit comptable prévoit la possibilité de constater la dépréciation définitive d’un fonds commercial acquis en procédant à son amortissement (voir ci-avant).

Toutefois, les amortissements ainsi comptabilisés ne sont pas admis au plan fiscal. En effet, l'administration fiscale considère que les immobilisations qui ne se déprécient pas avec le temps (tels les fonds de commerce) ne donnent pas lieu à amortissement, leur dépréciation justifiant éventuellement la constitution de provisions (CGI ann. III art. 38 sexies ; BOFiP-BIC-AMT-10-20-§ 330-01/03/2017).

Par ailleurs, selon le Conseil d'État, un élément d’actif incorporel identifiable, y compris un fonds de commerce, ne peut être amorti que si les deux conditions suivantes sont remplies simultanément (CE 1er octobre 1999, n° 177809 ; CE 17 mai 2000, n° 188975) : -il est normalement prévisible, lors de la création ou de l'acquisition de l'élément d’actif incorporel par l’entreprise, que ses effets bénéfiques sur l’exploitation prendront fin à une date déterminée ; -l’élément d’actif incorporel, lorsqu’il fait partie des éléments constitutifs d’un fonds de commerce et qu’il est représentatif d’une certaine clientèle attachée à ce fonds, est, en raison de ses caractéristiques, dissociable, à la clôture de l’exercice, des autres éléments représentatifs de la clientèle attachée au fonds.Y a-t-il connexion fiscalo-comptable pour l'amortissement du fonds de commerce des PE ?

Les amortissements pratiqués par les PE sur leurs fonds de commerce sont-ils déductibles fiscalement ?

Cette question a été posée par le tribunal administratif d’Orléans : ce dernier a, en effet, demandé au Conseil d’État si l'article 38 sexies de l'annexe III au code général des impôts devait être interprété comme autorisant, en application du principe de connexion fiscalo-comptable, les petites entreprises à amortir tous leurs fonds commerciaux sur 10 ans sans avoir à justifier de l'irréversibilité de leur dépréciation.

Autrement dit, il s'agit de savoir si les petites entreprises peuvent se prévaloir des dispositions du PCG (voir ci-avant) pour déduire les amortissements pratiqués de leur résultat fiscal.L'incompatibilité des règles comptables et fiscales entraîne la non-déductibilité des amortissements comptables pratiqués sur les fonds commerciaux de PE Le Conseil d'État a répondu par la négative à la question qui lui était ainsi posée par le tribunal administratif. En effet, il a jugé que l'option comptable offerte aux PE d'amortir sur 10 ans le fonds commercial était incompatible avec le droit fiscal, dès lors que cette option est offerte sans être subordonnée à la condition que les effets bénéfiques sur l'exploitation du fonds commercial prennent fin à une date déterminée (voir ci-avant, « Règles fiscales ») (CE avis n° 453458 du 8 septembre 2021, JO du 12).

La Haute assemblée conclut donc qu'une petite entreprise ne saurait se prévaloir de la règle comptable pour la détermination de son résultat fiscal.

Ce principe de non-déductibilité fiscale de l’amortissement comptable des fonds commerciaux est désormais inscrit dans le CGI (loi 2021-1900 du 30 décembre 2021, JO du 31, art. 23 ; CGI art. 39, 1.2° modifié).

MAIS… UNE DÉROGATION TEMPORAIRE EST PRÉVUE…

Compte tenu de l'avis précité rendu par le Conseil d'État, qui pose le principe de la non-déductibilité fiscale des amortissements comptables pratiqués sur les fonds commerciaux (sauf exceptions prévues par le Conseil d'État ; voir « Règles fiscales » ci-dessus), y compris pour les PE nonobstant le principe de connexion fiscalo-comptable (voir ci-avant), une mesure temporaire de déductibilité fiscale a justement été prévue dans la loi de finances pour 2022. En effet, à titre dérogatoire, pour les fonds acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025, l'amortissement du fonds commercial constaté dans la comptabilité des entreprises est admis en déduction.

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