La moins-value issue d’une opération de cession suivie d’une reprise du bien cédé en location simple (lease-back) peut, sous certaines conditions, être étalée sur la durée du bail.
Les opérations de cession-bail visent en général un contrat de vente d’un bien accompagné d’un contrat de bail conclu entre le vendeur et l’acheteur sur le même bien. Le contrat de bail peut être une location-financement ou une location simple.
Dans les comptes sociaux, le bien est sorti de l’actif du vendeur (futur preneur) dans tous les cas au moment du transfert de propriété, c’est-à-dire à la signature du contrat de vente initial, conduisant, le cas échéant, à faire apparaître une plus ou moins-value de cession. La question se pose du traitement de ce résultat de cession.
La réponse à la question dépend de la nature du contrat de location et des circonstances de l’opération. Mais, dans tous les cas, les solutions présentées ci-après et issues principalement de la doctrine de l’OEC et de la CNCC ne valent que lorsque l’opération peut être qualifiée de cession-bail, c’est-à-dire lorsque les deux contrats de cession et de bail sont conclus successivement entre les mêmes parties, à la même date et font référence l’un à l’autre. Dans ce cas :
- les deux contrats constituent des transactions liées ;
- en application du principe d’image fidèle (C. com. art L 123-14 et PCG art. 121-1), ces transactions liées devraient être comptabilisées dans leur ensemble et non de manière séparée (résultat de cession, d’une part, et loyers, d’autre part).
Lorsque la cession est suivie d’un contrat de location simple
En cas de plus-value, l’OEC a déjà indiqué qu’une partie peut devoir être étalée
Dans les comptes sociaux, l’OEC a déjà indiqué que (Rec. OEC no 29, § 8.2) :
- lorsque le contrat et la vente du bien ont été conclus aux conditions de marché, il y a lieu de constater immédiatement au compte de résultat du preneur la totalité du gain provenant de la cession ;
- lorsque le prix de vente est supérieur à la valeur de marché du bien, l’excédent du prix de vente est étalé sur la durée du contrat en atténuation des loyers.
Dans les comptes consolidés établis selon le nouveau règlement ANC 2020-01 (remplaçant le Règl. CRC 99-02 pour les exercices ouverts à compter du 1-1-2021), il en est de même, à notre avis, en l’absence de dispositions contraires du règlement ANC 2020-01 sur le traitement comptable des opérations de cession-bail dans les comptes consolidés.
En cas de moins-value, la CNCC vient d’indiquer qu’elle peut être étalée, sous condition
Dans les comptes sociaux, à notre avis, en l’absence de précision du PCG et par analogie avec la doctrine de l’OEC précitée en cas de plus-value, si le contrat et la vente du bien ont été conclus aux conditions de marché et que le prix de vente s’avère inférieur à la valeur comptable de l’actif, la moins-value est à constater immédiatement en résultat, celle-ci traduisant une réelle perte de valeur du bien.
En revanche, si la moins-value est occasionnée par un prix de vente de l’actif inférieur à la fois à la valeur de marché de l’actif et à sa valeur comptable :
- tout résultat de cession est immédiatement comptabilisé en résultat ;
- sauf, le cas échéant, la partie de la moins-value qui est compensée par des paiements futurs de loyers inférieurs au prix de marché. Dans ce cas, la perte doit être rapportée au résultat sur la durée d’utilisation prévue, au prorata des loyers, ce qui permet de ramener les loyers futurs à un niveau de marché.
C’est ce que vient de confirmer la CNCC, dans le cadre des comptes consolidés d’un groupe ayant cédé un actif et conclu avec le cessionnaire un contrat de location sur le même actif. Et, comme indiqué plus haut, lorsque la cession est suivie d’un contrat de location simple, le traitement du résultat de cession est, à notre avis, identique dans les comptes sociaux et dans les comptes consolidés, en l’absence de disposition contraire du règlement ANC 2020-01.
Selon la CNCC, pour pouvoir étaler la moins-value, une analyse en substance doit être menée :
- sur la base d’évaluations fiables (notamment de la valeur de marché du bien cédé et de sa valeur locative) ;
- afin de s’assurer que l’opération dans son ensemble s’équilibre et que l’entité ne s’est donc pas appauvrie.
Exemple :
Le cas soumis à la CNCC était le suivant :
- une entreprise Y, intégrée dans les comptes consolidés de la société X, cède en 2018 un de ses actifs à une entreprise Z extérieure au groupe X pour un montant de 3 M€ ;
- l’actif présente une valeur nette comptable de 10 M€ à la date de la cession ;
- à la même date, Y conclut avec la même entreprise Z un bail de sous-location portant sur l’actif cédé ;
- les contrats ont été conclus successivement à la même date entre les mêmes parties ;
- la cession dégage une moins-value de 7 M€ dans les comptes consolidés, la valeur vénale correspondant à la valeur nette comptable à la date de cession est estimée à 10 M€.
Le contrat de bail de sous-location est conclu entre l’entreprise Y et l’entreprise Z pour une période de 12 ans non résiliable et sans conditions suspensives pour un loyer annuel de 350 K€, soit à des conditions financières bien inférieures à la valeur locative estimée à 1 M€.
La CNCC observe qu’en cédant l’actif à un prix inférieur (3 M€) à sa valeur de marché (10 M€), l’entité a en réalité payé d’avance une partie des loyers futurs du bien qu’elle reprend en location, puisque le contrat prévoit des loyers inférieurs à la valeur locative du bien sur une durée non résiliable de 12 ans et sans conditions suspensives.
Le contrat de bail permet ainsi aux parties de réaliser, de manière implicite, une compensation financière entre la moins-value dégagée lors de la cession et la future économie de loyer (par rapport aux loyers de marché).
En conséquence, la perte de cession de 7 M€ doit être enregistrée dans les comptes individuels de Y, et dans les comptes consolidés du groupe, pour sa quote-part représentative du surloyer total payé d’avance (au cas particulier la totalité de la perte) :
- au débit d’un compte de charges constatées d’avance ;
- par le crédit d’un compte de produits exceptionnels, à notre avis, dans la mesure où la valeur nette comptable du bien ainsi que le prix de cession ont été comptabilisés dans cette catégorie du compte de résultat.
La CNCC précise également que l’économie de loyer future constitue un produit au sens de l’article 512-1 du PCG l’année de cession, dans la mesure où elle ne peut être remise en cause par le bailleur (le bail étant conclu pour une période de 12 ans non résiliable et sans conditions suspensives).
La charge constatée d’avance sera reprise ultérieurement en résultat sur la durée du bail (soit 7 M€ sur 12 ans, soit 583 K€ par an) en augmentation des loyers facturés (350 K€ par an), soit une charge totale de loyer de 933 K€ par an (valeur proche de la valeur locative du bien).
La reprise devrait donc pouvoir être comptabilisée au compte 613 « Locations », cette approche reflétant, sur le plan économique, le coût réel du bien loué. Toutefois, la CNCC n’exclut pas la possibilité de comptabiliser la reprise de la charge constatée d’avance en résultat exceptionnel (compte 6752), celle-ci découlant d’une moins-value de cession d’immobilisations (EC 2020-28, dans le cadre de la linéarisation d’une plus-value de cession-bail).
La CNCC précise enfin qu’une information doit être donnée en annexe pour décrire le traitement comptable appliqué (PCG art. 833-2).
Lorsque la cession est suivie d’un contrat de location-financement
L’OEC et la CNCC ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur le cas des cessions suivies d’une location-financement.
Dans les comptes sociaux :
- le bien est toujours sorti de l’actif du vendeur ;
- la plus-value de cession du bien est enregistrée au bilan et étalée en résultat sur la durée du contrat de location, la cession pouvant être analysée comme une avance de fonds et ne constituant pas un enrichissement de la société (Rec. OEC no 29, § 8.1 et Bull. CNCC no 127, septembre 2002, EC 2002-47 p. 362 s.) ;
- la moins-value de cession est, en revanche, comptabilisée directement en charges (Bull. CNCC no 150, juin 2008, EC 2008-09, p. 317 s.), dès lors qu’elle traduit une réelle perte de valeur du bien, à notre avis.
Dans les comptes consolidés (qui, désormais, présentent obligatoirement à l’actif les contrats de crédit-bail ou contrats assimilés), selon le règlement ANC 2020-01 (art. 272-3) :
- dans la mesure où le bail permet au cédant de conserver les risques et les avantages résultant du bien loué, aucune cession n’est réputée avoir eu lieu ;
- il convient d’éliminer le résultat de la cession en réintégrant le bien à l’actif et en constatant au passif une dette à hauteur du prix de cession perçu par le cédant ; celle-ci sera remboursée au fur et à mesure de la facturation des loyers (Rec. OEC no 29, § 8.1) ;
- en cas de moins-value, l’immobilisation est maintenue à sa valeur comptable consolidée d’origine et, le cas échéant, dépréciée si la perte correspond à une diminution de sa valeur recouvrable.
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